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En France, les Afghanes protégées en raison de leur genre

C'est une première : la Cour nationale du droit d'asile juge que les Afghanes doivent être protégées des privations de liberté que leur imposent les talibans. Elles peuvent donc désormais demander l'asile en France en raison de leur genre. Une décision qui fait date.

Dans une décision publiée le 11 juillet, la Cour nationale du droit d'asile française (CNDA)  "reconnaît l’appartenance de l’ensemble des femmes afghanes à un groupe social susceptible d’être protégé comme réfugié... Les femmes et jeunes filles afghanes sont, dans leur ensemble, perçues d’une manière différente par la société afghane et... doivent être considérées comme appartenant à un groupe social susceptible d’être protégé comme réfugié". Ainsi en ont décidé les juges de la CNDA dans une décision pionnière.

Notre dossier : Femmes afghanes sous régime taliban : au nom de la liberté

Convention de Genève

Les talibans, depuis leur retour au pouvoir en août 2021, "portent atteinte" aux "droits et libertés fondamentaux des femmes et des jeunes filles afghanes", notamment en les excluant du gouvernement provisoire, "ainsi qu’en remettant en cause leur droit à la santé, à l’éducation et leur liberté d’aller et venir", relève la CNDA. De "graves mesures discriminatoires" qui constituent des "actes de persécution" au sens de la convention de Genève. 

Selon cette Convention de 1951, le statut de réfugié est accordé dans les cas où un étranger fait face à des persécutions "en raison de sa race, sa religion, sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques".

La CNDA suit ainsi l'arrêt rendu le 16 janvier par la Cour de Justice de l'Union européenne, qui a jugé que "les femmes, dans leur ensemble, peuvent être regardées comme appartenant à un groupe social" et prétendre au statut de réfugié si "dans leur pays d'origine elles sont exposées, en raison de leur sexe, à des violences physiques ou mentales". 

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"C'est la première fois qu'en France est reconnu un groupe social de femmes, en raison de leur genre, pour un pays", commente-t-on à la CNDA, où l'on souligne que la question pourra ultérieurement être posée pour d'autres pays. Jusqu'ici en France, seules les femmes fuyant un mariage forcé, les fillettes craignant l'excision ou les femmes s'étant extraites d'un réseau de prostitution pouvaient bénéficier de la protection de la convention de Genève, du fait de leur appartenance à un "certain groupe social".

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Persécutées en raison du genre

"Cela va uniformiser la jurisprudence pour les années à venir, car les décision de la Cour en grande formation s'imposent à toutes les formations de jugement et à l'Ofpra", explique-t-on à la CNDA. L’Afghanistan est le premier pays d'origine des demandeurs d'asile en France depuis cinq ans : 17 103 premières demandes d'asile ont été déposées en 2022, soit 15% du total, selon l'Ofpra, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides.

"C'est une décision que nous espérions. Cela fait deux ans que nous plaidons pour que la France accepte de faire venir des femmes afghanes au motif qu'elles sont persécutées du fait de leur genre", a déclaré Delphine Rouilleault, directrice générale de France Terre d'Asile. "Nous espérons que cette décision nous permettra de mettre en place un programme pour les accueillir."

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L'exception afghane

En revanche, la Cour a considéré que les femmes mexicaines et les femmes albanaises "ne pouvaient, dans leur ensemble, être considérées comme appartenant à un groupe social susceptible d’être protégé comme réfugié". Le Mexique et l'Albanie ont en effet "adopté un ensemble d’instruments internationaux et de législations nationales pour promouvoir l’égalité entre les sexes et lutter contre les violences subies par les femmes".

Examinant leur cas le 14 juin, la Cour n'a pas non plus accordé à ces requérantes albanaise et mexicaine la protection subsidiaire au titre du droit européen, estimant que n’étaient "pas établis" les "risques de se voir infliger des actes de violence sans pouvoir bénéficier d’une protection effective des autorités de leur pays".

Selon les chiffres de l'ONU, en 2022, 736 millions de femmes ont subi au moins une fois des violences sexuelles et/ou physiques de la part d’un partenaire intime, des violences sexuelles en dehors du couple, ou les deux.

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