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Fermeture des instituts de beauté en Afghanistan : des enjeux existentiels

Travail, sport, éducation... Depuis que les talibans ont repris le pouvoir, les libertés des Afghanes ne cessent de s'amenuiser. En décrétant la fermeture des instituts de beauté, le gouvernement asphyxie un peu plus encore les femmes en privant les unes d'une source de revenus et toutes de l'un des derniers espaces de liberté. 

Depuis leur retour au pouvoir en août 2021, de décrets en interdictions, les talibans ont exclu les femmes de la plupart des établissements d'enseignement secondaire, des universités et des administrations publiques. Ils leur ont interdit d'entrer dans les parcs, jardins, salles de sport et bains publics, de voyager sans être accompagnées d'un parent masculin, et les obligent à se couvrir intégralement le corps et le visage lorsqu'elles sortent de chez elles.

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Je pense que ce serait mieux si les femmes n'existaient pas du tout dans cette société.

Gérante d'un institut de beauté de Kaboul

Dernière restriction en date : la fermeture des instituts de beauté. Depuis que les talibans ont repris le contrôle de Kaboul, ils ont déjà retiré ou masqué les images représentant des femmes en vitrine des salons. Et puis fin juin 2023, le gouvernement annonçait que ces milliers de boutiques, tenues par des femmes, avaient un mois pour mettre la clé sous la porte, le temps de liquider leurs stocks. 

La décision s'appuyait "sur une instruction verbale émanant du chef suprême" de l'Afghanistan, Hibatullah Akhundzada, dont les apparitions en public sont très rares. Gérant le pays par décrets depuis Kandahar, berceau des talibans, il explique que tout est fait pour garantir aux femmes "une vie confortable et prospère conformément à la charia".

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Le maquillage : cher et incompatible avec les ablutions

Le ministère de la Prévention du vice et de la Promotion de la vertu justifie cette fermeture par les sommes qualifiées d’extravagantes qui sont dépensées dans les salons pour les mariages. Une charge trop lourde pour les familles pauvres, estiment les talibans.

Surtout que certains des traitements proposés ne respectent pas la loi islamique, ajoute le ministère : trop de maquillage sur le visage empêche les femmes d'effectuer correctement leurs ablutions avant la prière ; faux cils et tresses sont aussi interdits.

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Les enjeux derrière la vitrine

Les instituts de beauté ont proliféré à Kaboul et dans les grandes villes afghanes pendant les vingt années d'occupation par les forces américaines et de l'Otan, avant le retour au pouvoir des talibans. Leur fermeture annoncée par les talibans fin juin 2023, prend, dans ce pays, une dimension qui va bien au-delà des futilités esthétiques.

Considérés comme autant d'endroits sûrs où les femmes pouvaient se rencontrer en l'absence d'hommes, ils étaient l'un des derniers espaces de liberté et de socialisation. "Les femmes avaient l'habitude de discuter, de raconter des potins. On ne se battait pas ici, il n'y avait pas de bruit, explique une employée de salon qui se fait appelée Neelab. Quand on voit des visages heureux et énergiques, ça nous requinque aussi. Le salon avait un rôle très important: cet endroit nous permettait de nous sentir bien."

C'était le dernier endroit où les femmes pouvaient gagner leur vie et ils veulent l'enlever. Pourquoi ?

Raha (pseudonyme)

L'interdiction des salons de beauté implique aussi la disparition de milliers de commerces tenus par des femmes, dont le revenu était souvent le seul de la famille. Pour beaucoup d'entre elles, ils représentaient la dernière possibilité de gagner de l'argent légalement. "Toutes sont dévastées... Que doivent-elles faire (maintenant) ?", déplorait, à l'annonce du décret, une gérante obligée de licencier 25 employées, toutes soutiens de famille. 

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Le jour où le décret a été annoncé, Raha, étudiante avant d'être interdite d'université l'an passé, se trouvait dans un institut de beauté pour se préparer à une fête de fiançailles : "C'était le dernier endroit où les femmes pouvaient gagner leur vie et ils veulent l'enlever... C'est une question pour nous toutes : pourquoi font-ils ça ? Pour quelle raison ?

Ne me prenez pas mon mon pain et mon eau. Pancarte d'une manifestante.

"Je pense que ce serait mieux si les femmes n'existaient pas du tout dans cette société, relevait ironiquement la gérante d'un salon de Kaboul sous couvert d'anonymat... Je le dis maintenant : j'aimerais ne pas exister. J'aimerais que nous ne soyons pas nées en Afghanistan..." déclarait-elle fin juin 2023, à l'annonce de la prochaine fermeture des instituts de beauté.

Fillette Kaboul

Fillette à l'entrée d'un institut de beauté à Kaboul, en Afghanistan, le 16 septembre 2021.

©AP Photo/Felipe Dana

Manifestations dispersées

Les manifestations sont rares, en Afghanistan, et en général violemment dispersées. Mais une cinquantaine de femmes ont tout de même pris part à celle du 19 juillet pour protester contre la disparition des salons de beauté. Elles ont aussitôt attiré l'attention des services de sécurité.
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Les manifestantes ont partagé photos et vidéos avec la presse, qui montrent les forces de l'ordre utilisant des lances à incendie pour les disperser, pendant que résonnent des coups de feu en arrière-plan.
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"Ne me prenez pas mon mon pain et mon eau", indiquait une pancarte brandie par l'une des manifestantes sur Butcher Street, une rue de la capitale dans laquelle sont situés de nombreux salons de beauté.

"Aujourd'hui, nous avons organisé cette manifestation pour discuter et négocier, déclare l'employée d'un institut de beauté souhaitant rester anonyme. Mais personne n'est venu nous parler, nous écouter. Ils ne nous ont prêté aucune attention et nous ont dispersées en tirant en l'air et avec des canons à eau."

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"Ultime déni des droits des femmes"

La mission des Nations unies en Afghanistan (Manua) condamne la manière dont les forces de l'ordre ont dispersé la manifestation : "Les informations sur la répression par la force d'une manifestation pacifique de femmes contre l'interdiction des salons de beauté - ultime déni des droits des femmes en Afghanistan - sont profondément inquiétantes... Les Afghans ont le droit d'exprimer leurs opinions sans être confrontés à la violence. Les autorités de facto doivent faire respecter ce droit".