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Célèbres ou anonymes, pourquoi les femmes ne figurent-elles pas au même titre que les hommes dans les programmes scolaires ? Une histoire de France "en creux" et en BD leur redonne leur place dans l'histoire française. L'autrice Sandrine Mirza et la dessinatrice Blanche Sabbah étaient sur le plateau de TV5monde pour parler de leur ouvrage.
Les femmes qui ont marqué l'histoire de France ? Jeanne d’Arc, Olympe de Gouges, Simone Veil, quelques autres... et c’est à peu près tout. Vraiment ? L’histoire officielle, établie par les hommes, donne l’impression qu’à part quelques seconds rôles, les femmes n’ont fait que de la figuration.
Il est temps de rétablir la vérité car, à toutes les époques, les femmes, connues ou anonymes, ont bel et bien été présentes : elles ont agi, travaillé, créé, résisté, combattu pour leurs droits, mais aussi pour leur pays. Et les rendre enfin visibles, c’est proposer un récit augmenté de notre histoire, permettant de donner une représentation plus complète de la réalité, étape indispensable dans la longue lutte pour l’égalité entre les hommes et les femmes.
Pourquoi avoir traité le sujet de façon chronologique ?
Sandrine Mirza : puisque c'est une histoire de France au féminin, nous avons voulu prendre la chronologie telle qu'elle peut être enseignée pour en donner la vision féminine et féministe. Cela permet de montrer les avancées et les reculs, et qu'il faut toujours rester sur ses gardes car les reculs arrivent assez vite.
Les époques d'ordinaire présentées sous un jour positif sont souvent celles où les femmes avaient le moins de droits. Blanche Sabbah
Blanche Sabbah : l'un des enjeux de la chronologie était de montrer que les droits des femmes ne sont pas linéaires, mais plutôt en dents de scie. Nous voulions présenter une sorte de négatif de l'histoire masculine telle qu'elle est racontée, où l'on voit que les époques d'ordinaire présentées sous un jour positif sont souvent celles où les femmes avaient le moins de droits.
Pour que les femmes se réapproprient cette histoire ...
Sandrine Mirza : absolument, car il existe des textes universitaires, mais peu de ressources pour le grand public, du moins qui soient accessibles à partir du collège. Pour que les jeunes filles puissent connaître et se réappropier cette histoire. Pour construire le mouvement féministe, il faut des bases solides, de bonnes fondations. Nous avons essayer de vulgariser l'histoire féminine depuis le début pour qu'elles puissent suivre le cheminement et se positionner aujourd'hui.
Souvent, nous ne savons pas de quoi nous sommes les héritiers et héritières. Blanche Sabbah
Le parti pris est celui d'une conversation entre une grand-mère et ses petits-enfants, la fille et le garçon. La transmission est la méthode la plus efficace ? Que la jeune génération est plus réceptive ?
Blanche Sabbah : Le prisme est différent. Le déferlement de Metoo a beaucoup influencé les personnes de ma génération pour nous sensibiliser beaucoup plus tôt aux luttes féministes. Il y a un problème de non-archivage des luttes féministes et souvent, nous ne savons pas de quoi nous sommes les héritiers et héritières... La lutte du MLF a un peu sombré dans l'oubli dans les années 1980/1990. Avoir une archivisation de ces luttes et pouvoir créer un dialogue entre les générations empêche de tomber dans l'écueil de la diabolisation des générations précédentes. Le changement doit être collectif. il ne faut pas tout mettre sur les épaules des jeunes et dire que tout est de la faute des plus âgés.
Etait-ce difficile de trouver les éléments ?
Sandrine Mirza : Récemment, surtout, la documentation est abondante. Nous avons fait des choix pour décider ce que nous allions mettre en exergue. A mesure que l'on remonte dans les époques anciennes, nous avons de moins en moins de documentation. Il nous a fallu puiser en archéologie ou dans les livres généraux pour tirer le petit fil de la position des femmes à cette époque. Cela représentait beaucoup de recherches. J'ai beaucoup discuté avec l'historienne Yannick Ripa, qui a rédigé la préface et m'a aidée à faire certains choix.
Blanche Sabbah, pour dessiner, il faut connaître. Dans quel mesure votre imaginaire vous a guidé ?
Blanche Sabbah : je me suis autorisée à mettre un peu de moi dans mes représentations de toutes ces femmes et de leur alliés masculins our la permanence du patriarcat à travers les siècles – les misogynes aux phrases horipilantes ont tous un peu le même visage tout au long de la BD. La documentation iconographique fournie par Sandrine était très dense.
La difficulté a été de naviguer entre les époques. Au début, les représentations réalistes sont très rares. Au Moyen-Âge, les représentations sont plus métaphoriques et il a fallu que je donne beaucoup de moi et de mon imaginaire. Plus on avance vers la modernité, plus la documentation est foisonnante. On a des photos, des reconstitutions plus précises.
Le combat pour le droit de vote, obtenu en 1946 après des décennies de combat notamment grâce à Hubertine Auclert, morte avant de voir l'aboutissement. Etait-ce important d'évoquer les pionnières ?
Sandrine Mirza : Les pionnières sont très intéressantes. Il faut rendre hommage à ces femmes très courageuses. Hubertine Auclerc était une femme incroyable, qui a notamment fait la grève de l'impôt : "je ne vote pas, je ne paye pas". Elle a imprimé un timbre féministe et créé un journal. Quand le suffrage universel a été institué, qui n'était pas universel puisque les femmes en étaient exclues, elle est passer dans un bureau de vote et a renversé une urne. D'autres féministes s'enchaînaient à des grilles. Hubertine Auclerc a été la première à avoir appeler "féministes" les militantes pour les droits des femmes.
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