Fil d'Ariane
Elle s’est imposée dans le surf professionnel jusqu’à en devenir une figure incontournable. Vice-championne du monde de surf de grosses vagues, Justine Dupont s'illustre sur les spots les plus convoitées de la planète, tout en assumant ses engagements écologiques et ses convictions féministes.
Petite fille, elle avait peur du large et des montagnes d'eau. Mais elle avait déjà le goût du défi et s'est promis de tout faire pour surfer mieux que son grand frère. A 22 ans, Justine Dupont devient la première femme à apprivoiser la mythique vague de Bleharra, au pays Basque.
Championne de France, d'Europe et du monde, Justine Dupont remporte de nombreux prix avant de se consacrer à la catégorie la plus extrême, les grosses vagues, des monstres d'eau qui culminent à plus de 20 mètres de haut. En novembre 2019, elle surfe à Nazaré, au Portugal, la plus grosse vague de sa vie, haute comme un immeuble de 10 étages. Les monstres de son enfance sont devenus ses compagnons. Face à l'océan, elle se sent petite, mais libre.
Championne du monde de stand up paddle et quatre fois vice-championne du monde dans trois disciplines de surf différentes, Justine Dupont est aujourd'hui, à 31 ans, considérée comme la surfeuse la plus polyvalente au monde, mais "ce ne sont que des titres" dit-elle avec humour.
Car ce qui l'habite aussi, c'est sa passion pour la nature. Et ce qui la préoccupe surtout, c'est son empreinte carbone élevée du fait de ses déplacements pour se rendre aux compétitions dans les différente spots de surf du monde. Alors elle tente de la compenser en finançant la plantation d'arbres dans la forêt d'Anglet ou du corail à Tahiti.
On est dans l'élément, on le voit, on le vit. Justine Dupont
Ce réel souci écologiste qui lui vient naturellement, tant elle ne fait qu'un avec les éléments lorsqu'elle évolue sur une planche de surf : "On est dans l'élément, on le voit, on le vit, on en est amoureux." Pour Justice Dupont, "le surf n'est pas qu'un sport, c'est un mode de vie, une philosophie, un rapport avec la nature intense, prenant et changeant," explique-t-elle à TV5MONDE
Elle vit son engagement en participant au programme Sport planète via la sensibilisation des jeunes, l'initiation au surf, les aides aux associations locales, les ramassages de déchets, la protection des animaux... Pour "rendre à l'océan ce qu'il me donne, et il me donne beaucoup", sait-elle.
Il est important, pour Justine Dupont, d'être bien consciente de la supériorité d'un océan aussi puissant, déchaîné, magnifique : "On sent que l'humain n'y a pas sa place, tant il est petit vulnérable face à toute cette énergie. Et puis on s'aperçoit que l'océan, si l'on reste humble et respectueux, nous laisse dessiner une petite courbe sur une vague ici et là," confie-t-elle à TV5MONDE.
Or cela ne se passe pas toujours bien et l'océan, parfois, vous blesse. "Les blessures font partie du jeu. Elles sont un temps d'arrêt qui permet de se remettre en question, un temps de pause pour prendre du recul : comment je m'implique, comment je pratique, comment je visualise," explique-t-elle.
La peur, je la prends par la main. C'est un repère, elle me permet d'être plus concentrée et de faire les choses bien. Justine Dupont
Après une blessure, il faut se ressaisir, digérer les émotions négatives, maîtriser la peur pour recommencer à vivre. "La peur, je la prends par la main. C'est un repère, elle me permet d'être plus concentrée et de faire les choses bien, d'être mieux entourée et de veiller à ma sécurité. Elle m'aide à faire tout ce que je fais dans ma vie," confie-t-elle à TV5MONDE.
Depuis ses débuts dans le surf, Justine Dupont dénonce les inégalités entre les hommes et les femmes dans son sport, à commencer par les regards sexistes : "Les gens qui ne s’imaginent que la belle nana en maillot de bain bloquent l’évolution du surf et de la performance... C’est beaucoup trop présent au niveau du sponsoring chez les filles. Les marques qui sponsorisent les garçons sont moins regardantes sur leurs physiques, ils sont regardants sur la performance, alors que c’est le contraire chez les filles." témoignait-elle pour Paris Match en 2017.
A performance égale, jusqu'en 2019 les surfeuses gagnaient moins que les hommes : "Il y a une vraie inégalité entre le surf masculin et le surf féminin, confiait-elle à Paris Match en 2017. C’est frappant, et encore plus dans le surf de grosses vagues parce que c’est toi face à l’océan que tu sois un homme ou une femme... Et pourtant, niveau financement, l’inégalité est complète au possible". Un décalage que la World Surf League a voulu corriger.
En 2018, l'organisateur des grandes compétitions de surf professionnel mondiales annonçait l’égalité des primes entre les hommes et les femmes, une bonne nouvelle pour les surfeuses, et toutes les sportives. "En 2018, la dotation globale du circuit masculin de surf était de 607 800 dollars (522 516 euros), avec 36 surfeurs en lice, et de 303 900 dollars (261 264 euros) pour le circuit féminin, avec 18 sportives admises." précisait le site Europe1.
Depuis sept ans, la surfeuse passe tous ses hivers à Nazaré, spot des records du monde. Enfer et paradis raconte l'hiver 2019/2020, dont l'un des temps forts fut la vague du 11 février 2020. Le documentaire commence précisément ce jour-là, à six heures du matin. Justine Dupont prend un petit-déjeuner avant de prendre ce qui deviendra l'une des deux plus grosses vagues de sa vie. Antoine Chicoye, ami et réalisateur, est là, caméra au poing, pour saisir les moments forts, et parfois intimes, de cette quête spectaculaire sur le site de surf emblématique de Nazaré, au Portugal.
Estimée à 21,3 mètres, la vague de février 2020 a, depuis, été supplantée par celle de la Brésilienne Maya Gabeira, évaluée à 22,25 m, nouveau record du monde. Un goût amer pour la Française, restée debout sur sa planche jusqu'à ce que la vague meurt, ce qui n'a pas été le cas de la Brésilienne. Son exploit n'en reste pas moins extraordinaire.
"Il y avait beaucoup de brume ce jour-là, j'ai eu beaucoup de mal à faire des images et à reconnaitre les surfeurs, se souvient le réalisateur Antoine Chicoye auprès de l'AFP. On a regardé les images deux jours après, j'ai complètement halluciné. Le meilleur plan de la journée c’était Justine. J'ai halluciné sur la taille de la vague, la performance de Justine et l'angle, qui est unique. C'est le plus beau shot jamais fait et je ne suis pas prêt d'en refaire un aussi beau".
Le film montre aussi la tristesse et l'inquiétude qui les envahit ce jour-là, alors qu'un autre surfeur en lice à Nazaré, le Portugais Alex Botelho, se blessait gravement en surfant une vague immense. Enfer et paradis a été primé lors de plusieurs festivals internationaux.
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