Fil d'Ariane
Mais que se passe-t-il dans la tête de ces jeunes hommes ? D'abord pour violer à 33 agresseurs une adolescente de 16 ans, inconsciente, filmer le forfait puis poster la video sur les réseaux sociaux... Le film réalisé avec un téléphone portable dévoilait la jeune fille, allongée sur un lit, évanouie. Un homme exposait ses parties intimes en sang tandis que d'autres assuraient que "plus de trente" d'entre eux l'avaient violée. Quelle gloire peuvent-ils donc en tirer ?
Cette horreur aura eu au moins un mérite : pousser des dizaines de milliers de femmes dans la rue pour protester contre la culture du viol qui sévit au Brésil, l'un des pays qui compte le plus grand nombre de faits de violences contre les femmes. "Ca fait mal à l'une, ça fait mal à toutes", "Le viol est un crime, pas du sexe !" scandaient les manifestantes, à Sao Paulo, à Rio de Janeiro ou à Porto Alegre.
L'onde de choc a également remis le droit à l'avortement au centre des débats de société. Comme dans les autres Etats d'Amérique latine, la législation brésilienne est très restrictive en matière d'IVG. Dans le plus grand pays catholique du monde, l'avortement est possible uniquement en cas de viol, quand la vie de la mère est en danger ou dans le cas de foetus acéphales (sans cerveau).
Une culture patriarcale institutionnelle
Le correspondant de TV5MONDE au Brésil, Pierre Morel, rappelle qu'une agression sexuelle est commise toute les 11'. 500 000 viols y seraient perpétrés chaque année. Des femmes ont envahi le Congrès national munies de pancartes pour protester contre le silence qui accompagne habituellement ces crimes. "Nous sommes dans une culture patriarcale institutionnelle" dit l'une, tandis qu'une autre lance "cette agression, c'était aussi celle de 33 hommes contre nous toutes".
#PorTodasElas, ontem, em BH, contra a cultura de estupro! #EstuproNuncaMais
— Maria Conta (@mariaconta_) 2 juin 2016
foto: Luiza Therezo pic.twitter.com/QXZWOag85F
Alors qu'un texte voté le 31 mai 2016 en urgence, et en un temps record, au Sénat avant de passer devant la Chambre des députés, alourdit les peines pour viol, certains membres du nouveau gouvernement constitué par le conservateur Michel Temer, président par intérim du Brésil après la mise à l'écart de Dilma Rousseff issue du Parti des Travailleurs, sont prêts à passer à la contre-offensive anti droits des femmes.
A commencer par Fatima Pelaes, la nouvelle secrétaire d'Etat pour la Politique des femmes. Elle s'était prononcée en 2010 "contre l'avortement" en cas de viol après avoir révélé à la Chambre des députés être "le fruit d'un viol" : sa mère, qui était détenue pour un crime passionnel, avait été violée en prison. Elle avait précisé être devenue "anti-avortement" après sa conversion à une église évangélique. Mme Pelaes a cependant diffusé un communiqué, après les manifestations, où elle affirme que sa position sur l'avortement "ne va pas affecter le débat" sur la question. La victime d'un viol doit avoir le "total" soutien de l'Etat au cas où elle voudrait avorter, "comme le prévoit la loi", a-t-elle tenu à confirmer.
Surveiller, punir, est-ce la solution ?
Le texte de loi adopté par le Sénat brésilien en vue d'alourdir les peines pour crimes sexuels prévoit de faire passer de 15 à 25 ans de réclusion les peines pour viol de mineurs de moins de 14 ans. Dans le cas de victimes de 14 à 17 ans la peine maximum sera de 16 ans, et de 13 ans pour les plus de 18 ans. En cas de décès de la victime, la peine prévue est de 30 ans, comme c'est déjà le cas dans la loi actuelle.
A Rio, l'enquête suit son cours. Trois des suspects ont été arrêtés tandis que trois autres, qui font l'objet d'un mandat d'arrêt, sont toujours recherchés.
La victime a accepté mardi 30 mai 2016 d'être incluse dans le "Programme de protection aux enfants et adolescents menacés de mort" et a déjà quitté la ville, a indiqué le secrétaire de l'Etat régional de Rio pour les Droits de l'Homme, Paulo Melo. "La famille avait peur d'une vengeance de la part des trafiquants (de la favela)", a-t-il expliqué.
Selon les statistiques de 2015, la zone ouest de Rio a concentré près de la moitié des plaintes pour viols : 705 sur 1610 au total. Le président Temer a annoncé la création d'un département spécifique pour lutter contre les violences faites aux femmes au sein de la police fédérale.
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