Fil d'Ariane
Le mur des Love Locks de Woodfield, à Schaumburg, dans l'Illinois, aux Etats-Unis. Un projet de promotion du centre commercial, le 6 février 2021, en vue de la Saint-Valentin.
Une soirée romantique pour la Saint-Valentin. "On s'est fait offrir de la lingerie, on boit une bonne bouteille, et on n'ose pas dire non...", explique Louise Delavier, responsable des programmes et de la communication de l'association En avant toute(s), une association qui lutte contre les violences sexistes, particulièrement auprès des jeunes. Ce jour-là, le sexe, souvent, doit être au rendez-vous. Et si l'un des partenaires n'est pas d'accord, l'idylle risque de se teinter de ressentiment, voire d'agressivité.
Si l’on change d’avis après le couvre feu, se mettre en sécurité est le plus important, cela devrait pouvoir justifier n'importe quelle sortie du domicile.
Safiatou Mendy, chargée de prévention En avant toute(s)
Entre distanciation sociale, fermeture des bars et couvre-feu, la Saint-Valentin 2021 s’annonce particulière pour tous et toutes, à commencer par les jeunes célibataires. Car le tendre rendez-vous, cette année, se tiendra forcément chez l’un ou chez l’autre, couvre-feu oblige, ce qui soulève certaines questions. Comment exprimer le désir sans le contexte désinhibiteur du bar ou du restaurant ? Comment mettre les limites ?
Une fois chez l’autre, est-ce acceptable de rentrer chez soi si on ne souhaite pas aller plus loin ? Peut-on partir, même après 18 heures, si l’on se sent finalement mal à l’aise ? Comme le souligne Safiatou Mendy, chargée de prévention de l'association contre les violences sexistes En avant toute(s) : "Passer du bon temps avec une personne n’implique pas un consentement sexuel : il est toujours possible de dire stop. Et si l’on change d’avis après le couvre feu, se mettre en sécurité est le plus important, cela devrait pouvoir justifier n'importe quelle sortie du domicile".
Contrairement aux idées reçues, la grande majorité des viols n'est pas commise par un sinistre inconnu armé au fond d'un parking désert ou une ruelle sombre. Un viol est bien plus souvent le fait d'un conjoint, d'un petit ami, ou d'un homme avec qui la victime a partagé un "rendez-vous galant". Les moins de 25 ans ne sont pas moins concernés par les agressions sexistes et sexuelles que leurs aînés… au contraire. C’est ce que révèle une étude de En avant toute(s) sur les jeunes victimes de violences au sein du couple et de la famille. L’association a analysé 1416 chats (discussions en ligne, ndlr) de 44 minutes en moyenne effectués entre le 25 novembre 2019 et le 30 juin 2020 avec 996 interlocuteur·trices différent·es sur son site commentonsaime.fr. ce site est dédié au partage d'expériences et de ressentis sur la sexualité, sans tabou, et permet également de dialoguer en privé avec les animatrices pour poser des questions personnelles et aborder des sujets traumatisants.
Il ressort de cette étude que la tranche d’âge 16-20 ans est la plus touchée : elle représente 47 % des jeunes victimes : "Cela peut peut-être s’expliquer par une entrée dans l’âge adulte et les débuts de la sexualité, à une période où l’on peut être encore mal informé.e et très vulnérable, alors que les codes d’une relation saine ne sont pas clairement établis dans la société ", suggère Louise Delavier, coordinatrice de l’étude.
Dès l’enfance, un.e jeune est susceptible de subir des violences, et il s’agit bien de violences sexistes et sexuelles.
Louise Delavier, En avant toute(s)
Les 21-26 ans viennent ensuite (44 %). Moins nombreux, les moins de 15 ans sont elles et eux aussi victimes de violences sexistes et sexuelles, avec des agressions subies parfois dès le plus jeune âge : "Au moment des faits, notre plus jeune victime a trois ans. Les statistiques, qui donnent majoritaires les grand.es adolescent.es et les jeunes adultes, ne doivent pas occulter cette réalité : dès l’enfance, un.e jeune est susceptible de subir des violences, et il s’agit bien de violences sexistes et sexuelles", précise Louise Delavier. L'étude précise que les personnes exerçant les violences sont presque exclusivement des hommes : 92,9 % sur 294 données renseignées. Les victimes, elles, sont principalement des femmes : 96,6 % sur la population générale de l’étude.
Comment on s'aime ?
— En avant toute(s) (@enavanttoutes) February 9, 2021
Voilà une question qu’on est parfois amené·e à se poser dans sa vie amoureuse, mais qu’on peut aussi se poser à soi-même.
Le site https://t.co/VCT8V2fezw est là pour vous aider à trouver votre chemin dans l’aventure de l’amour de soi et des autres pic.twitter.com/It3LdhSBnd
Parmi les situations conflictuelles évoquées sur le site commentonsaime.fr, celle d'un homme "ne comprend pas" pourquoi sa compagne refuse d'avoir des relations sexuelles, alors qu'elle l'a invité pour la Saint-Valentin. "Ce sont des moments où il arrive qu'on se force, pour faire plaisir, pour remercier d'un cadeau, alors qu'on n'en a pas envie", souligne Safiatou Mendy, chargée de prévention chez En avant toute(s).
Que diriez-vous d’un peu de lecture en cette fin de semaine ? Retrouvez notre sélection de 5 ARTICLES À LIRE à l’approche de la Saint-Valentin :
— En avant toute(s) (@enavanttoutes) February 12, 2021
N°1 : “Les bases d’une relation saine” https://t.co/R3igsozIZ1
N°2 : “Les bases d’une sexualité saine” https://t.co/jcuMV86jkZ pic.twitter.com/Ck7aGRe5QS
Les témoignages recueillis par l'association font régulièrement état de situations où des adolescentes racontent avoir changé d'avis parce qu'elles culpabilisaient d'avoir dit "non." Noémie, 18 ans, exprime ce qui peut se produire pendant une soirée de Saint-Valentin : "Mon ex voulait absolument coucher le jour de la Saint-Valentin et moi, je ne voulais pas trop, mais on l'a fait quand même..." La majorité des jeunes victimes de violences dans le couple disent s'en rendre compte et pouvoir mettre des mots sur ce qu'elles ont subi en discutant sur le chat de l'association. Le déclic se fait par contraste, en entendant décrire une relation saine. Mégane, 16 ans, ne vient pas sur commentonsaime.fr en écrivant : "J'ai été victime de violences conjugales", mais "Ce qu'il a fait m'a blessée". Et puis au fil de la conversation, les modératrices s'aperçoivent que la jeune fille a réellement été victime de violence sexuelles et psychologiques de la part de son petit ami, le premier qu'elle ait connu.
Révéler les espaces propices au basculement dans la violence sexuelle, déconstruire les stéréotypes sexistes, questionner les imaginaires et les attentes définis par la pop culture, l'environnement et les codes sociaux, proposer des solutions, explorer les situations qui peuvent se présenter lors d’un rendez-vous amoureux, aborder la notion de désir et de sexualité saine, apprendre à placer ses limites tout en acceptant celles des autres ... En avant toute(s) a choisi la Saint-Valentin pour lancer des ateliers en ligne (workshops) visant à aider les 15-30 ans à mieux vivre leurs relations amoureuses, notamment en temps de pandémie.
► S'incrire au workshop Une histoire de consentement (30 personnes maximum)
En révélant les effets parfois délétères de l'inconscient autour du couple - "Il faut habiter ensemble, être exclusif, coucher ensemble... On peut tout accepter par amour" - l'association En avant toute(s) veut aborder les aspects intimes et personnels que l'éduction, souvent, néglige. "La sexualité, ça se discute, ça se travaille. Et ça soulage tout le monde de le dire et de le savoir", conclut Safiatou Mendy.
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