Violences conjugales au Liban : une première victoire

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Violences conjugales au Liban : une première victoire
Des militantes de la société civile ont observé un sit-in, lundi 22 juillet 2013,, parallèlement à la réunion des commissions parlementaires mixtes.
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Un projet de loi protégeant la femme de la violence conjugale a été approuvée lundi 22 juillet en commission parlementaire au Liban, après des années de campagne dans une société jugée libérale mais qui reste très machiste.
Le texte, adopté en 2010 en Conseil des ministres et qui doit encore être voté au Parlement, avait été rejeté par les influentes autorités musulmanes, dans un pays où le statut personnel est du ressort des tribunaux religieux.

Ce nouveau pas, salué par les associations de défense de la femme qui réclament toutefois des amendements la protégeant davantage, intervient plus de dix jours après qu'une femme de 33 ans, Roula Yaacoub, a été battue à mort par son mari dans le nord du Liban, soulevant l'indignation des médias et de la société civile.

Faten Abou Chakra, coordinatrice de la campagne KAFA (Assez en arabe), une coalition de 60 associations qui militent depuis 2008, juge que le texte intitulé « projet de loi pour la protection des femmes et de l'ensemble des membres de la famille de la violence conjugale (...) ne protège pas spécifiquement les droits des femmes ». « La majorité des cas de personnes maltraitées concernent les femmes selon les études d'experts locaux et internationaux, donc cette catégorie doit être protégée spécifiquement », dit-elle.

Le viol conjugal, un délit mais pas un crime

Par ailleurs, si le texte reconnaît la notion de  viol conjugal, un des principaux chevaux de bataille des ONG, il le considère comme un délit, mais pas comme un crime.« Selon le texte, ce ne sont que les coups et les blessures qui sont considérés comme un crime », indique Mme Abou Chakra.

« Dès l'approbation de la loi au Parlement, ce genre de violences sera pénalisé par les tribunaux civils et non pas religieux », s'est félicité le député Sami Gemayel.

Le Dar el-Fatwa, la plus haute autorité religieuse sunnite du pays, avait protesté contre la criminalisation du viol conjugal, estimant qu'il s'agit d'une « hérésie occidentale ». « Copier les lois occidentales qui détruisent la famille et ne conviennent pas à nos sociétés aura un impact négatif sur les enfants musulmans qui verront leur mère, défiant l'autorité patriarcale, menacer leur père de prison », avait-elle dit. Le Hezbollah chiite avait également reproché de son côté à la loi d'« interférer dans les relations entre le mari et sa femme ».

Mme Abou Chakra a assuré que les associations féministes poursuivraient leur combat lors de la prochaine session plénière du parlement, dont la date reste incertaine en raison de la crise politique dans le pays.

La société libanaise est considérée au niveau des moeurs comme l'une des plus libérales du monde arabe, mais la législation du pays reste largement conservatrice. Ainsi, un homme qui viole une femme n'est pas sanctionné s'il épouse sa victime et les femmes ne peuvent pas transmettre leur nationalité à leurs enfants.

En outre, la peur de l'opprobre et du scandale est également responsable du silence entourant les femmes maltraitées, selon les militants, de même que le refus de la victime de dénoncer son mari. Au Liban, comme dans la majorité des pays arabes, les rares femmes qui osent porter plainte pour harcèlement ou pour violence conjugale sont la risée des policiers qui leur demandent dans la plupart des cas de rentrer chez elles. Dans le cas de Roula Yaacoub, la victime refusait que sa mère, qui vivait avec elle, intervienne, selon les médias libanais.

Grâce au lobbying de la société civile ces récentes années, le Parlement a supprimé en 2011 les circonstances atténuantes du crime d'honneur, l'assassinat, souvent par un proche, de femmes ayant déshonoré leur famille. Dans le monde arabe conservateur, rares sont les pays dotés d'un législation protégeant les femmes.