Violences contre les femmes : timides progrès au Liban

Au Liban, un grand nombre de femmes ont subi à un moment ou l’autre des violences, en particulier à cause des guerres et des troubles que vit le pays depuis 1975, mais aussi en raison de violences domestiques ou de l’exploitation des travailleuses immigrées. Depuis quelques années on peut noter de timides progrès. A cet égard, il faut distinguer le cas des femmes libanaises et des femmes non-libanaises.
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Violences contre les femmes :  timides progrès au Liban
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Violences contre les femmes :  timides progrès au Liban
Affiche contre la violence faite aux femmes à Beyrouth, le 7 mars 2008 (AFP/Archives, Ramzi Haidar)
Pour ce qui concerne les Libanaises, Faten Abou Chacra, directrice de projet pour KAFA, organisation luttant contre les violences envers les femmes, estime que les violences familiales envers les femmes « constituent les abus les plus répandus et ne connaissent aucune barrière économique ou communautaire ».

Timidité des tribunaux religieux

Si le faible niveau d’éducation et l’alcoolisme sont des facteurs favorisant ce genre de pratiques, il faut bien reconnaitre que le phénomène est plus répandu que l’on croit généralement. A peine entendue par les policiers qui ne signalent pas plus les cas de violences que les médecins, les victimes sont invitées à prendre leur mal en patience, soit par les parents qui pensent qu’un divorce est honteux soit  par les autorités religieuses soucieuses d’éviter la dislocation de la famille.

D’ailleurs, les affaires de violence domestique sont du ressort des  tribunaux religieux, un par communauté (il y en a 17 !). Ces juridictions restent très timides en la matière car elles privilégient le respect de la cellule familiale aux dépens du droit des victimes. Longtemps la loi du silence a permis d’occulter le problème mais les choses ont bougé depuis quelques années grâce à des mouvements civiques.

Un projet de loi en cours

En 2010, un projet de loi a été approuvé en Conseil des ministres sous le gouvernement de Saad Hariri. Ce projet prévoit de permettre aux femmes de réclamer la protection des agents de l'ordre public en cas de violence conjugale, familiale ou autre. Il ouvre également la voie aux femmes de porter les cas de violence conjugale et familiale devant les tribunaux civils. Le projet de loi a été transmis au parlement libanais qui reste soumis aux pressions des autorités confessionnelles attachées au fait que  tout ce qui est en rapport avec le statut personnel reste religieux. L’affaire est donc loin d’être gagnée. Même si la loi est votée, il faudra sans doute du temps pour qu’elle soit appliquée convenablement.

Pour ce qui concerne les femmes non-libanaises, la situation est pire. Deux cas méritent d’attirer l’attention. D’une part, la situation des femmes des camps palestiniens qui, à l’instar de tous réfugiés palestiniens au Liban sont dépourvues de tout statut et de tout droit et cumulent la violence de leur statut de réfugiés et celle de leur condition de femmes.

D’autre part, la situation des domestiques étrangers. Sans compter plusieurs milliers de prostituées russes ou ukrainiennes, près de 250 000 travailleurs domestiques d'origine asiatique, éthiopienne ou autres, sont livrés à l’arbitraire. Parmi eux une majorité de femmes  dont beaucoup sont victimes de mauvais traitements et d'exploitation à des fins sexuelles.
 
Violences contre les femmes :  timides progrès au Liban
Campagne lancée en 2008 par Human Right Watch pour défendre les droits des domestique au Liban.
Les domestiques séquestrées, menacées

Séquestrées, privées de leur passeport, menacées, parfois pas payées et toujours sous-payées (en moyenne une centaine d’euros par mois pour un travail de 24h sur 24 et souvent sans un seul jour de congé), elles se sentent complètement laissées à l’abandon. Certaines préfèrent se suicider pour échapper à  la violence.

L’un des moyens  souvent utilisés est la défenestration car elles sont souvent enfermées à domicile par des employeurs sans scrupules. On en compte en moyenne une ou deux par semaine, ce qui conduit à mettre en doute la version des employeurs ou de certaines autorités qui soutiennent que ces suicides seraient le fait de personnes psychologiquement fragiles !

D’autres n’ont pour solution que de trouver refuge dans leurs ambassades. Par exemple, en mars 2011 les autorités malgaches ont rapatrié 86 employées de maison qui  se plaignaient de maltraitances. Les autorités de pays comme les Philippines, l’Ethiopie et le Sri Lanka ont incité leurs ressortissantes à ne plus accepter une offre d’emploi venant du Liban.

Silence des partis et des syndicats

Les partis politiques et syndicats sont totalement muets sur ces pratiques dégradantes et les intéressées ne peuvent pas se regrouper au sein d’associations puisque celles-ci ne sont pas autorisées pour les étrangers. Seules tentent d’agir quelques associations humanitaires, comme Kafa ou le Collectif pour la recherche et la formation sur le développement -Action (CRTDA).

Depuis en 2009, et grâce aux efforts déployés  par les  associations de défense des droits humains, les autorités ont promis d’instaurer un nouveau contrat unique pour les travailleurs domestiques migrants afin de leur assurer de meilleures conditions de travail. Mais là aussi le chemin sera long pour mettre fin à des pratiques scandaleuses car il s’agit de changer les mentalités esclavagistes des milieux les plus frustres.
 

A propos de Zeina el Tibi

A propos de Zeina el Tibi
Essayiste et journaliste franco-libanaise, Zeina el Tibi appartient à l’une des plus anciennes familles de la presse libanaise, propriétaire du quotidien al Yom et du magazine al Ayam.

Zeina el Tibi est chef du bureau du magazine al Ayam à Paris et elle représente en France l’hebdomadaire francophone La Revue du Liban.

Présidente de l’Observatoire d’études géopolitiques, à Paris et codirectrice de la collection Études Géopolitiques, elle est également l’auteur de plusieurs essais.