
Fil d'Ariane
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"La loi actuelle permet aussi aux enfants en conflit avec leurs parents de les traîner devant la justice", s'offusque-t-elle.
Cela ne montre pas seulement que nos députés sont conservateurs et traditionnels, cela montre qu'ils sont archaïques
Svetlana Aïvazova, politologue
La très francophile et francophone politologue féministe Svetlana Aïvazova est de la même génération que la rude Elena Mizoulina. Elle est aussi l'exacte opposée. Pionnière des études de genre en Russie, elle offrit aux lecteurs russes la première traduction du "Deuxième sexe" de Simone de Beauvoir, avant de tenter de se faire élire à la Douma sur une liste féministe. Membre du conseil des droits de l’Homme auprès du Kremlin, cette initiative législative des partisans de la gifle familiale lui reste en travers de la gorge.
Il lui suffit de rappeller des chiffres têtus : 40 % des crimes graves, perpétrés au sein de la Fédération, dont sont victimes en priorité des femmes mais aussi des enfants, se produisent en milieu familial. En 2015, plus de 4000 personnes ont été tuées par un membre de leur famille. Plus de 650 000 femmes sont battues chaque année par leurs maris ou un proche, selon un bilan établi en 2010 par le Centre national contre la violence familiale. D'après cette ONG, qui précise que les statistiques restent inchangées depuis 1995, une femme meurt toutes les 63 minutes sous les coups d'un proche en Russie.
Svetlana Aivazova ne mâche pas ses mots : "Il est clair que le pouvoir législatif reconnaît aujourd'hui la violence comme norme de la vie de famille. Cela montre que nos députés ne sont pas simplement conservateurs et traditionnels, cela montre qu'ils sont archaïques."
Nous ne devrions pas gifler nos enfants ni justifier de tels traitements sur la base de traditions dépassées
Vladimir Poutine, décembre 2016
Courageuse, Svetlana Aivazova avait même proposé à Vladimir Poutine de soutenir un projet de loi pour prévenir la violence contre les femmes, comme cela a été fait dans 143 pays, y compris dans d'ex républiques membres de feu l'Union soviétique, comme le Kazakhstan ou le Kirghizistan. Le président l'avait remerciée, mais la loi est restée enfermée dans les tiroirs de la Douma, et risque désormais d'y dormir longtemps.
Pourtant, lors de son show annuel devant la presse nationale et internationale, en décembre 2016, interpellé sur ces questions, le président s'était dit préoccupé par le sujet : "Je pense que nous ne devrions pas gifler nos enfants ni justifier de tels traitements sur la base de traditions dépassées. Il y a une trop courte distance de la gifle aux coups."
Logiquement, en vertu de cette déclaration, on aurait pu imaginer que le président russe refuse de promulguer cette nouvelle loi qui repose sur les prétendues traditions russes d'autorité parentale à la manière de "père et fils", titre du roman le plus célèbre de Ivan Tourgueniev, cité par l'infatigable Elena Mizoulina. Laquelle poursuit, imperturbable : "les lois sont faites pour maintenir les traditions, pas pour les tuer."
Inflexible, la Douma russe, confortée par la très puissante Eglise orthodoxe, avait rejeté, le vendredi 27 janvier 2017, les propositions des députés communistes, qui proposaient de ne pas dépénaliser les violences ayant visé des enfants ou des femmes enceintes. Sans doute, estiment-ils qu'il n'y a pas là matière à "séquelles graves". D'ailleurs où placent-ils leur curseur pour mesurer les-dites séquelles : un bleu, une plaie, une fracture, une commotion cérébrale ?
Nous voulons montrer que les députés russes ne vont pas suivre les excès que nous voyons en Europe de l'Ouest
Andreï Issaïev, député
Le Kremlin avait dès la fin du mois de janvier affirmé soutenir le projet, via son porte-parole Dmitri Peskov qui expliquait aux journalistes que "qualifier de violences domestiques certains gestes au sein de la famille, c'est dramatiser du point de vue juridique. Ce n'est pas correct".
"Nous voulons montrer que les députés russes ne vont pas suivre les excès que nous voyons en Europe de l'Ouest", avait commenté lors des débats le député du parti Russie unie Andreï Issaïev. Selon lui, les enfants européens "dénoncent leurs parents" auprès des autorités, pour que celles-ci leur retirent la garde s'ils sont trop sévères.