Peut-on considérer le handicap comme un puissant levier de transformation des organismes dans la société? C’est en tout cas l’objectif qui a été fixé jeudi 6 décembre lors du dernier plan interministériel comprenant un axe dédié au repérage et à la prise en charge des femmes handicapées victimes de violences. Pour Ernestine Ronai, co-présidente de la commission “violence de genre“ du Conseil à l’égalité femme-homme en France, l’utilisation des bons mots a toute son importance. Selon elle, il y a une tolérance vis-à-vis de la maltraitance des femmes handicapées.
Pour les femmes victimes de violences, on dit femmes victimes de violences, pour les femmes handicapées on a le mot maltraitance !
Ernestine Ronai du Conseil à l’égalité femme-homme

Un déficit de statistiques genrées
Trouver des statistiques précises faites par des centres de recherches sur les violences envers les femmes handicapées est la principale difficulté que rencontre la société civile francaise. "Les statistiques que nous avons, sont internationales, on n’a pas de statistiques françaises.” ajoute Ernestine Ronai .Cependant il est possible de trouver certains chiffres auprès de certains organismes. Par exemple le 114 (numéro d’urgence pour les femmes sourdes et malentendantes) on enregistre sur 4166 appels, 1658 appels sur situations d’urgences et 179 appels pour des situations de violences. Dans la moitié des cas, l’appel est en lien avec les violences conjugales. Dans 14 % des cas il s’agit de l’ex conjoint, 18 % par des inconnus, 14 % par des enfants et 9 % des parents. Dans 49 % des cas c'était pour coups et blessures. Autre centre d’appel, le 3919 (violence conjugales infos) a reçu 18.613 appels. Sur 115 femmes qui ont appelé, plus d’un tiers avait entre 40 et 49 ans et 57 femmes déclarent que le handicap était une cause des violences conjugales qu'elles subissaient .
"les femmes handicapées subissent énormément de violences sexuelles, [...] de même que les femmes qui présentent des troubles liés à l’autisme. Les derniers chiffres qui sont sortis pour les violences sexuelles sur ces femmes, c’est 90%."#Handicap #Sante
— Prudence (@PsyNancy54) 27 juillet 2018
>Femmes handicapées : solitude, humiliations... et raz-le-bol
Un besoin de formation
Comment sont accueillies et traitées les plaintes de femmes handicapées victimes de violences par les policiers ? Pour un défenseur des droits comme Jacques Toubon, participant à cette table-ronde, les forces de l'ordre sont les premièrs contacts des femmes victimes handicapées : " Il faut absolument former les gendarmes et policiers car, ce sont eux les 1ers contacts. Quand il y a des chiffres il n’y a pas de mise en action dans les commissariats ce qui peut ralentir les recherches".
Pascale Ribes vice-pdte de l’association des paralysés de France
Brigitte Bricout, présidente de l’association "Femmes pour le dire, femmes pour agir" à elle, été rattrapée par les séquelles d’une poliomyélite pendant l’enfance et a vu ses activités professionnelles se ralentir: “Cette journée était importante. Les violences qui reviennent le plus sont les violences sexuelles, sexistes et médicamenteuses c’est à dire l’accompagnant ou personnel soignant donne des doses plus importantes ou moins importantes qu’il ne faudrait. Il y a les violences familiales, dites psychologiques qui sont les plus nombreuses avant les violences physiques sauf que les victimes ne disent plus qu’elles sont violentées et mettent un certain temps pour le comprendre. Elles ne doivent plus être dans l’ombre ”.
Des outils pour le dire
Roland Courteau, sénateur de l'Aude (PS), Chantal Deseyne, sénatrice d'Eure-et-Loir (LR), Françoise Laborde, Haute-Garonne (RDSE) et Dominique Vérien, Yonne (UC) sont tenus de rédiger le rapport qui devrait être publié à la fin du premier semestre 2019. Parmi les solutions proposées, il y a la sensibilisation des médias, l'élaboration de kits de formation, élaborés par la MIPROF (Mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences) composés d'un court-métrage, un livret d'accompagnement et de fiches spécifiques à certaines professions. Sans oublier de renforcer la coordination entre l'Etat et les associations, favoriser l'éducation sexuelle et affective dans les établissements médico-sociaux, signer une convention entre les deux numéros d'écoute 3919 (violence femmes info) et 3977 (contre la maltraitance des personnes âgées et handicapées).
Au sortir de la table ronde Pascale Laborde Sénatrice Haute-Garonne nous confie : “C’est important d’avoir des colloques qui ouvrent l’éventail et permettent de voir l’étendue du problème.Nous votons les lois et essayons le plus possible d’amender et diminuer la discrimination pour améliorer la vie des femmes handicapées”
Dans le monde, 35 % des femmes et des filles sont exposées à des violences physiques, émotionnelles ou sexuelles de la part d’un partenaire intime ou d’une autre personne. Ces violences constituent une violation majeure de leurs droits. Les femmes et les filles handicapées sont près de dix fois plus exposées aux violences sexuelles.