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Comportements grossiers, dégradants, consentement non recueilli, et parfois même pratiques dangereuses... Malgré les campagnes menées depuis plusieurs années déjà sur les réseaux sociaux avec les mots-dièse #payetonuterus ou #payetongyneco, les violences violences gynécologiques et obstétricales perdurent. Les signalements se multiplient en France et à travers l'Europe.
"Nous recevons en moyenne 200 témoignages de violences obstétricales et gynécologiques par mois, sur toute la France, notamment de jeunes qui sont totalement traumatisées de leurs premières visites gynécologiques", affirme à l'AFP Sonia Bisch, fondatrice du collectif Stop aux violences obstétricales et gynécologiques (StopVOG), créé en 2017.
"La défiance envers la gynécologie grandit, les témoignages de violences obstétricales et gynécologiques s'accumulent sur les réseaux sociaux, les affaires sortent", alerte StopVOG. "On a trop souvent des médecins qui croient bien faire à votre place et qui infantilisent la patiente. Quand on en parle autour de nous, on se rend bien compte que c'est généralisé. Le consentement ne peut pas être considéré comme implicite une fois passée la porte d'un cabinet médical", insiste la militante.
(Re)lire notre article ►Violences gynécologiques et obstétricales : entre libération de la parole et prise de conscience
Fin novembre 2022, un gynécologue parisien renommé, Emile Daraï, a été mis en examen pour violences volontaires par personne chargée d'une mission de service public à l'égard de 32 plaignantes qui l'accusent d'avoir pratiqué des examens vaginaux et rectaux de manière brutale et sans demander leur consentement.
StopVOG milite pour que certaines pratiques soient reconnues comme un viol.
Les praticiens, eux, jugent ce qualificatif irrecevable : "Un examen gynécologique peut être mal ressenti, manquer de bienveillance, mais il ne peut pas être assimilé à un viol, faute de quoi les gynécologues – déjà trop peu nombreux dans les salles de naissance – deviendront encore de plus en plus rares, tant la profession ressent mal cette assimilation", met en garde le Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF).
Réunis en congrès professionnel du 25 au 27 janvier à Lille, dans le nord de la France, les gynécologues et obstétriciens français vont se pencher sur de nouvelles recommandations censées restaurer la confiance des patientes.
Pour les trois journées du congrès Pari(s) Santé Femmes, "une place particulière a été réservée cette année aux relations patients-soignants et à la bienveillance", fait savoir le CNGOF.
Il doit présenter aux médecins de nouvelles recommandations pour la pratique clinique de l'examen pelvien, ainsi qu'une charte des soins en salle de naissance, visant à donner un cadre et à préciser quand l'examen médical, sous spéculum, par toucher vaginal ou échographie endovaginale, est vraiment souhaitable, et quand il est possible de s'en passer. "Même si un examen pelvien est recommandé, il n'est que proposé à la femme, qui l'accepte ou non", insiste le collège.
La charte des soins en salle de naissance recommande, par exemple, à chaque membre de l'équipe de "se présenter dès le premier contact avec la femme", un accompagnement "avec bienveillance dans une logique de décisions partagées" ou encore "l'accord oral de la femme avant tout examen clinique". L'objectif affiché étant de "restaurer des relations de confiance et de respect mutuel indispensables à la prise en charge des femmes dans de bonnes conditions".
Pas sûr, dans le contexte de défiance actuel, que les recommandations qui seront présentées suffisent à calmer les esprits.
Ayant eu connaissance de ces recommandations,"on a été un peu perplexe car pour certaines c'est le b.a.-ba des professionnels qui doivent prendre en charge les femmes dans leur intimité", s'étonne Caroline Combot, secrétaire générale de l'Organisation nationale syndicale des sages-femmes (ONSSF). Une partie du problème réside dans la formation initiale des gynécologues-obstétriciens, insuffisamment sensibilisés à la dimension humaine et empathique du métier, estime-t-elle.
"Certains professionnels – des sages-femmes et beaucoup de gynéco-obstétriciens – vont être dans une logique uniquement anatomique, pathologique, où la dimension psychologique est absente", déplore Caroline Combot, soulignant toutefois que ces pratiques n'ont pas toujours fait scandale. "Certaines attitudes ont été cautionnées pendant très longtemps par les patientes".
En amont du 28 mai – Journée internationale d’action pour la santé des femmes, STOPVOG Québec lance un appel aux témoignages en lien avec les violences obstétricales et gynécologiques. Le collectif précise les différentes formes de ces violences : "Si on a fait une intervention médicale sans vous en parler et obtenir votre consentement au préalable , ou encore si on s’est adressé.e à vous avec mépris, on vous a dit des paroles blessantes, on ne vous a pas cru.es lorsque vous disiez ressentir de la douleur etc..."
"Les personnes vivant à l’intersection de plusieurs systèmes d’oppressions, telles que les femmes racisées, excisées, autochtones, en situation de handicap, lesbiennes, bisexuelles, les personnes intersexes et les personnes trans et non binaires sont encore plus à risque de subir cette violence", tient aussi à préciser STOPVOG sur son site. Selon le collectif, "l'existence des VOG prend racine dans un système patriarcal qui méprise les corps des femmes et les corps non conformes... Les instances décisionnelles refusent de reconnaître le problème ; votre témoignage peut faire la différence !"