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En juillet, le Comité de l'ONU pour l'élimination des discriminations contre les femmes (CEDAW) a conclu que Nahia Alkorta avait été victime d'une série d'actes sans justification qui représentaient un cas de violence obstéricale, notamment une césarienne effectuée sans son consentement, alors qu'elle avait les bras attachés et en l'absence de son mari.
Il y a cette idée que c'est comme ça et puis c'est tout.
Nahia Alkorta
Depuis cette décision, "plus de 100 femmes m'ont contactée disant avoir vécu la même chose", déclare Nahia Alkorta, aujourd'hui âgée de 36 ans et mère de trois enfants, qui vit dans la localité de Zizurkil, au pays basque espagnol (nord). Cette violence, "on n'en parle pas à cause de la douleur qu'elle provoque, à cause de la honte et parce qu'il y a cette idée que c'est comme ça et puis c'est tout", poursuit-elle.
Mais pour Nahia Alkorta, "les femmes racontent une autre histoire".
Cauchemars, insomnies et souvenirs traumatiques... Son histoire à elle a commencé lorsqu'elle a perdu les eaux à 38 semaines de grossesse. A l'hôpital public de Saint-Sébastien, au Pays basque, dont elle dépendait, on lui a administré de l'ocytocine pour déclencher l'accouchement, alors même qu'elle avait des contractions et sans qu'aucune explication médicale lui soit fournie, raconte-t-elle. Elle se souvient aussi que les réponses du personnel à ses questions sont devenues de plus en plus agressives.
Le lendemain de son arrivée à l'hôpital, les gynécologues ont décidé de pratiquer une césarienne, sans lui demander son accord et bien qu'une sage-femme lui ait dit que le travail progressait, ajoute-t-elle. Avec ses bras attachés, un protocole suivi par certains hôpitaux pour les césariennes, et son mari interdit d'accès à la salle d'accouchement, elle tremblait de peur. "Je me sentais totalement à leur merci", confie-t-elle.
Il n'existe pas de données globales sur ce problème en Europe. Mais les groupes de défense des droits affirment que, régulièrement, les femmes se voient refuser le consentement éclairé et sont soumises à des comportements grossiers et dégradants par le personnel médical et, dans certains cas, à des pratiques dangereuses.
Beaucoup de mères en Serbie préféreraient oublier le jour où elles ont accouché.
Pétition pour la présence d'un-e accompagnant-e lors d'un accouchement
En Serbie, une récente pétition a recueilli 70 000 signatures en cinq jours pour demander que l'État prenne en charge le coût parfois exigé pour la présence d'une personne accompagnant une femme dans la salle d'accouchement. La pétition dénonce notamment des insultes, des humiliations, des cris, ainsi que des négligences et des erreurs médicales de la part du personnel, affirmant que "beaucoup de mères en Serbie préféreraient oublier le jour où elles ont accouché".
Certains pays, comme l'Espagne et l'Italie, ont mis en place des observatoires des violences obstétricales, mais les poursuites judiciaires sont rares. "Nous sommes approchées par de nombreuses mères qui ont subi un accouchement traumatisant, mais pratiquement personne ne porte plainte", explique Nina Gelkova, de l'organisation bulgare Rodilnitza. "L'Etat ne reconnaît pas l'existence d'un tel problème", dit-elle.
En France, Elsa Supiot et Anne Simon, professeures de droit à l'Institut des sciences juridique et philosophique de la Sorbonne, proposent de "recenser et de catégoriser des situations dites de violences obstétricales dans le champ du droit afin de clarifier le cadre existant et de permettre tant de fonder les recours éventuels de patients que de sécuriser les pratiques professionnelles." Face aux récentes "accusations de viol à l'encontre du gynécologue Emile Daraï et de la secrétaire d’Etat Chrysoula Zacharopoulou", elles préconisent, dans une tribune publiée sur le site du quotidien Le Monde "un nouveau texte pour sanctionner les actes de pénétration vaginale ou rectale non consentis, lorsqu’ils sont imposés sciemment, mais sans intention de nature sexuelle".
Une tribune dans @lemondefr d'Anne Simon et Elsa Supiot, qui dirigent le projet "Les violences gynécologiques et obstétricales saisies par le droit" à l'ISJPS
— ISJPS Droit & Philo (@ISJPS_Sorbonne) August 6, 2022
https://t.co/RgSGQoMGzp@SorbonneParis1 @aSimonPenal https://t.co/dmjOsq3W9m
Dans le cas de Nahia Alkorta, l'État espagnol a répondu au Comité de l'ONU qu'"il n'existe pas d'accouchement 'à la carte'" et que le choix de l'intervention incombe exclusivement au médecin, défendant les décisions des tribunaux du pays qui ont donné raison à l'hôpital. "Je ne cherchais pas du tout un accouchement 'à la carte', je cherchais un traitement humain et je ne l'ai pas reçu", se défend Nahia Alkorta.
"Je ne suis pas contre les interventions qui sont justifiées (...), mais la limite doit toujours être le consentement et le respect", explique-t-elle.
La première chose à faire pour lutter contre les violences obstétricales, c'est de reconnaître leur existence.
Daniel Morillas, vice-président de la Fédération espagnole des associations de sage-femmes
Son avocate, Francisca Fernandez Guillen, souligne que des soignants, et même les familles des femmes, tentent parfois de minimiser les traumas vécus et invitent celles-ci à "oublier ce qu'il s'est passé". Certains médecins considèrent toutefois que les pratiques sont en train de changer, à l'instar de Daniel Morillas, vice-président de la Fédération espagnole des associations de sage-femmes (FAME). Au cours de ses seize années d'expérience, il affirme avoir observé une prise de conscience accrue des droits de la mère et de son rôle "actif" lors de l'accouchement, tout en reconnaissant qu'il y a encore beaucoup à faire. "La première chose à faire pour lutter contre les violences obstétricales, c'est de reconnaître leur existence, déclare-t-il. De nombreux médecins et sage-femmes reconnaissent qu'elles existent et essaient de changer les choses".
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