Violences sexuelles commises par des mineurs : "un phénomène loin d'être marginal"

La violence chez les plus jeunes fait chaque jour un peu plus la Une des médias. En matière de violences sexuelles, on imagine plus les mineurs comme étant les victimes, ce qui est une terrible réalité, que comme de potentiels agresseurs. Pourtant, selon une enquête menée en France sur les sept dernières années les agressions sexuelles commises par des enfants et adolescents ont augmenté de 77%. 

Image
Police nationale française

En France, le nombre de mineurs mis en cause pour des violences sexuelles a augmenté de 77 % au cours des sept dernières années.

Capture d'écran
Partager 3 minutes de lecture

Chaque année en France, 160.000 enfants et adolescents sont victimes d’inceste, d’agression sexuelle ou de viol. Soit un toutes les trois minutes. Mais ils représentent aussi un tiers des auteurs de ces violences, selon un rapport du ministère de la Justice. 

Tweet URL

Comme le montre cette étude réalisée par le service statistique du ministère de la Justice (SSER), le nombre de ces agressions commises par des mineurs sur des mineurs a véritablement explosé au cours de ces dernières années. Une audition publique consacrée à ce phénomène est organisée le 19 et 20 juin au ministère de la Santé à Paris, en présence d'acteurs associatifs, de membres de la Civiise, de l’enseignement scolaire mais aussi de la Direction générale de la Santé (DGS) et la Direction de la protection judiciaire de la jeunesse. 

Entre 2017 et 2024, en moyenne ce ne sont pas moins de 12.000 mineurs par an qui ont été mis en cause dans des affaires de violences sexuelles. Des chiffres en très nette augmentation : 77% d’infractions sexuelles en plus ont été commises en 2024 par rapport à 2017. Au total, au cours de ces sept années, 20 400 ont été poursuivis devant une juridiction pour mineurs ou ont vu leur affaire transmise à un juge d’instruction et 12 400 ont vu leur affaire classée après une procédure alternative.

Plus 77% d'agresseurs sexuels mineurs

Source : ministère de la justice, SG, SSER, fichier statistique CASSIOPEE.

© service statistique du ministère de la justice (SSER)

Plus 77% en sept ans

Quand des mineurs de plus de 13 ans se retrouvent devant la justice, c’est en grande majorité pour des viols ou des agressions sexuelles. L’agression sexuelle est le type d’infraction comptant le plus de mis en cause (58 500 entre 2027 et 2024). Les viols constituent ensuite l’infraction la plus fréquente, avec 31 900 mis en cause. 

Une telle recrudescence peut en partie s’expliquer par le contexte Metoo qui a entraîné une libération de la parole à partir de fin 2017 sur les violences sexuelles, incitant les potentielles victimes à signaler les faits à la police et à la gendarmerie ainsi qu’à la justice. Extrait du rapport du SSER

"C’est un phénomène qui est loin d’être marginal", insiste l’étude. Selon elle, la libération de la parole à partir de fin 2017 provoquée par le mouvement #Metoo pourrait expliquer ces chiffres car elle aurait incité "les potentielles victimes à signaler les faits à la police et à la gendarmerie ainsi qu’à la justice".

Les mineurs mis en cause pour des infractions pénales sont présentés devant des juridictions spécifiques, les juridictions pour mineurs : juge des enfants, tribunal pour enfants. Entre 2017 et 2023, 1 500 condamnations définitives ont été prononcées en moyenne par an à l’encontre de mineurs. Les peines prononcées ont principalement pris la forme d’un emprisonnement (57 %), avec sursis total dans près de 8 cas sur 10. 41 % des peines ont consisté en des peines alternatives (sanction éducative, peine de substitution, etc.)

L’agression sexuelle, réprimée par l’article 222-22 du Code pénal, recouvre quatre catégories juridiques : les viols, les agressions sexuelles autres que le viol, mais aussi les agressions sexuelles non physiques comme l’exhibition sexuelle et le harcèlement sexuel, qui peuvent passer par Internet et les réseaux sociaux, très utilisés par la jeune génération.

Violences intrafamiliales, incestueuses

Sur le champ global des infractions sexuelles, les filles sont très minoritaires, ne représentant que 7 % des personnes mineures mises en cause. 

Alors qui sont ces jeunes agresseurs ? Comme le précise Anne-Hélène Moncany, présidente de la Fédération des centres ressources pour les intervenants auprès d’auteurs de violences sexuelles sur France Inter, "Ils ont dans leur grande majorité entre 13 et 15 ans. Et la forme des violences sexuelles qu'ils commettent évolue en fonction de l'âge"

Dans ce créneau d'âge, "on va plutôt être sur des violences sexuelles intrafamiliales, incestueuses, par exemple entre frères et sœurs. Et vers 16/17 ans, on va basculer plutôt sur des violences sexuelles entre amis et entre partenaires." Toutes les classes sociales sont concernées, précise l'étude.

Rapport mineurs et agressions sexuelles
© service statistique du ministère de la justice (SSER)

De victime à agresseur

C'est Adrien Taquet, ancien secrétaire d’État à l’Enfance qui préside l'audition publique qui se tient pendant deux jours au ministère de la Santé sur ce sujet. Lui, mise sur la prévention pour tenter d'endiguer ce phénomène. Sur France Inter, il estime que pour "prévenir le passage à l’acte ou la récidive, il y a nécessité de s’intéresser aux auteurs, qui sont parfois victimes eux-mêmes". 

Comme le rappelle Le Figaro, une enquête réalisée par l’INSERM (Institut national de la santé et de la recherche médicale) en 2005 montrait déjà qu’"environ 30% des adolescents auteurs de violences sexuelles avaient eux-mêmes subi des abus sexuels dans leur enfance". 

Une autre étude publiée par l'INSERM en 2016 estimait que les violences sexuelles perpétrées contre une personne mineure concernent 14,5 % des femmes et 6,4 % des hommes en France. Le cadre dans lequel elles se produisent le plus est, de loin, la famille. 

Aussi à l'école

Plusieurs cas d'abus sexuels perpétrés par des mineurs dans un contexte scolaire ont été rapportés par la presse. Tout récemment, le journal local L'Union évoquait celui d'un enfant de six ans qui a confié à ses parents et à la gendarmerie avoir été agressé sexuellement par d’autres enfants dans les toilettes de son école maternelle, dans l’Aisne. 

En octobre dernier, le quotidien Midi Libre mentionne le cas de deux petites filles de neuf ans violées quelques mois plus tôt dans leur école d'un village du Tarn et Garonne. Dans la cour de récréation, un soi-disant jeu "cap ou pas cap" aurait dégénéré, leurs camarades, des garçons âgés entre 8 et 10 ans, les obligeant à réaliser une fellation.

Selon un témoignage recueilli par Terriennes ce 19 juin, une adolescente vivant dans une banlieue cossue de l'ouest parisien vit l'enfer depuis que son "petit- ami" est arrivé chez elle accompagné de plusieurs autres garçons, ce qui n'était pas prévu. Forçant la porte, ils l'ont coincée par terre pour procéder à des attouchements. L'adolescente, avec sa mère, a porté plainte à la police. Depuis, elle subit une campagne de harcèlement sur les réseaux sociaux où elle se fait traiter de "pute". Elle a de nouveau été agressée physiquement dans un parc de la ville par un jeune de 12 ans, petit frère d'un de ses agresseurs. 

L'impact sur la jeunesse de sites pornographiques promouvant la violence ajouté à la caisse de résonnance que constituent les réseaux sociaux constituent un cocktail dévastateur. En latin on connait la formule homo homini lupus, "l'homme est un loup pour l'homme". Et cela peut commencer dès le plus jeune âge.

Lire aussi dans Terriennes : 

"Vous êtes le diable" : Joël Le Scouarnec, le pédocriminel face à la justice

"Triste tigre", de Neige Sinno : l'inceste, "l'irracontable"

Campagne de lutte contre l'inceste en France : "un problème public et pas privé"