Violences sexuelles : J.K. Rowling, la créatrice de Harry Potter, ouvre un centre réservé aux femmes

On lui doit l'épopée qui, depuis des années, passionne des millions de petits – et de grands – à travers le monde. J. K. Rowling, l'autrice de la saga Harry Potter, se revendique féministe, un engagement parfois jugé radical et controversé. En réponse à ses détracteurs, elle a ouvert, en Ecosse, un centre d'accueil pour les victimes de violences sexuelles, uniquement réservé aux femmes. 
Image
J. K. Rowling
J. K. Rowling lors de la première mondiale du film Les Animaux Fantastiques : Les Secrets de Dumbledore, à Londres, le mardi 29 mars 2022. L'autrice, qui se dit féministe depuis toute petite, vient d'ouvrir un centre d'accueil pour les femmes victimes de violences sexuelles en Ecosse. 
©AP Photo/Scott Garfitt
Partager6 minutes de lecture

Beira est le nom d'une déesse mère et divinité du climat, qui personnifie l'hiver dans la mythologie celtique d'Écosse. "Elle règne sur la partie sombre de l'année, passant le relais à sa sœur, Bride, lorsque l'été revient. Beira représente la sagesse féminine, le pouvoir et la régénération. C'est une force qui perdure dans les moments difficiles, mais son mythe contient la promesse qu'ils ne dureront pas éternellement", lit-on sur le site de la fondation "Beira's place". Voilà qui explique pourquoi J. K. Rowling, l'écrivaine dont la saga s'est vendue à 500 millions d'exemplaires dans le monde et est traduite dans 80 langues, a souhaité baptiser ainsi ce centre d'aide aux femmes victimes de violences sexuelles dans la région où elle vit, à Edimburg en Ecosse.

Un service pour les femmes et par les femmes

Beira's Place se présente comme "un service de soutien aux femmes géré par des femmes". Il propose gratuitement son aide à toute femme de plus de 16 ans ayant été victime de violence sexuelle, sous quelque forme que ce soit. Sur son site internet, il est précisé qu'il propose des informations aux survivantes, aux membres de la famille ou aux amis des survivantes, ainsi qu'aux professionnels appelés à soutenir une femme qui a subi des violences sexuelles. 

Beira's Place propose également des formations gratuites en ligne ou en présentiel, notamment des sessions d'une demi-journée sur le lieu de travail de celles qui souhaitent en bénéficier. L'organisation est financée par l'autrice, elle-même victime de violences conjugales par le passé.

En tant que survivante, je sais à quel point il est important, dans un moment où elles sont vulnérables, que les victimes puissent recevoir des soins sur-mesure, pour les femmes et par des femmes.
J. K. Rowling

Dans un entretien exclusif accordé à la journaliste britannique Suzanne Moore (limogée du Guardian suite à une tribune féministe jugée transphobe, NDLR), J.K. Rowling raconte s'être très tôt identifiée comme féministe. "Enfant, même ?"  "Je dirais oui, oui. Et puis à 18 ans, j'étais une féministe radicale à part entière. Je ressentais un sentiment d'injustice en ce qui concerne les femmes," répond-elle.

page accueil beira's place
Page d'accueil du site internet de la fondation créée par J. K. Rowling, Beira's Place
©Beirasplace

"En tant que survivante d'agression sexuelle, je sais à quel point il est important, dans un moment où elles sont aussi vulnérables, que les victimes puissent recevoir des soins sur-mesure pour les femmes et dispensés par des femmes", ajoute l'écrivaine, citée par Le Figaro. "Ce n'est pas quelque chose de politique pour moi ; c'est personnel(...) J'ai réalisé qu'il ne servait à rien de faire les 100 pas dans ma cuisine en râlabt, et que je pouvais faire quelque chose."

Féminisme vs cause transgenre

Cette annonce intervient sur fond d'un débat qui ne cesse de s'amplifier autour de la représentation et de la caractérisation dans l'espace public des individus transgenres. Ces dernières années, J. K. Rowling s'est exprimée de manière très virulente en faveur des droits des femmes, qu'elle a opposés parfois à la cause des militants transgenres, sujet brûlant au Royaume-Uni.

En 2020, elle avait partagé sur Twitter un article évoquant les "personnes qui ont leurs règles", en le commentant ironiquement : "Je suis sûre qu'on avait un mot pour ces gens. Quelqu'un m'aide. Feum ? Famme ? Feemm ?"

Elle s'est ainsi attiré les foudres de certains internautes, qui lui ont rappelé que les hommes transgenres pouvaient avoir leurs règles et que des femmes transgenres non. Depuis, elle est la cible d'attaques régulières de la part de militants pour les droits des personnes transgenres. Elle a même indiqué avoir reçu des menaces de mort.

Pour exprimer son soutien aux mouvements féministes conservateurs qui ont organisé des rassemblements devant le Parlement écossais, l'écrivaine a également twitté une photo d’elle portant un t-shirt avec comme slogan "Nicola Sturgeon (la Première ministre écossaise, NDLR), destructrice des droits des femmes". 

Contre le projet de loi Gender Recognition Reform Bill

La création de cette fondation tombe aussi au moment où le Parlement écossais étudie un projet de loi visant à faciliter la transition des personnes transgenres. Le projet défendu par le gouvernement local indépendantiste suscite la polémique et divise les militantes féministes. Le Gender Recognition Reform Bill permettrait aux personnes trans d’obtenir la reconnaissance de ce changement sur leurs papiers d’identité sans passer par un diagnostic médical, jusqu'ici obligatoire. Le texte a été voté en première lecture par une majorité de députés fin octobre. Si elle est adoptée, cette législation deviendrait l'une des plus progressistes d’Europe sur les questions de genre. 

La loi que Nicola Sturgeon tente de faire adopter en Écosse nuira aux femmes les plus vulnérables : celles qui cherchent de l'aide après des violences ou des viols commis par des hommes, ainsi que des femmes incarcérées.
J. K. Rowling

J. K. Rowling s'est publiquement déclarée contre ce texte. Selon elle, cette réforme risque de porter atteinte au droit des femmes de se réunir dans des endroits qui leur sont réservés, comme les toilettes ou les refuges. Voici ce qu'elle disait en mars dernier sur son compte twitter : "La loi que Nicola Sturgeon tente de faire adopter en Écosse nuira aux femmes les plus vulnérables de la société : celles qui cherchent de l'aide après des violences ou des viols commis par des hommes, ainsi que des femmes incarcérées. Les statistiques montrent que les femmes emprisonnées sont déjà beaucoup plus susceptibles d'avoir déjà été maltraitées".

Le centre Beira's place, qui a ouvert ses portes le 12 décembre 2022, n'a pas le statut d'une association caritative, et est entièrement financé par l'autrice pour protéger l'établissement de potentielles pétitions réclamant sa fermeture. Comme le précise Le Figaro, "Beira's Place n'étant pas ouvert aux personnes trans ou aux individus mâles s'identifiant comme femme, il sera rapidement considéré comme un endroit véhiculant une idéologie transphobe".

[traduction :"Après 48 heures difficiles à essayer d'aider une survivante à accéder à l'aide dont elle a réellement besoin, je viens d'entendre que @JK Rowling a lancé un nouveau service pour les victimes de violences sexuelles en #Ecosse ! Ça mérite un calin !"]