Fil d'Ariane
Première médaillée d'or olympique française à la voile en 1928, autrice, icône de la mode et "jet-setteuse" avant l'heure, Virginie Hériot revit à travers une exposition présentée tout l'été au Musée national de la Marine, à Port-Louis, en Bretagne.
JO Amsterdam 1928 : Virginie Hériot à bord d’Aile VI, 1928.
Dans la citadelle du 17e siècle, qui verrouille l'accès à la rade de Lorient, la navigatrice pose, coiffée de son éternel béret basque et souriante, pour une fois, sur le pont de son voilier "Aile VI". Elle est entourée de son équipage : trois Bretons et deux Normands avec lesquels elle vient de remporter la médaille d'or aux JO d'Amsterdam en catégorie 8MJI, une jauge de course internationale en vigueur depuis 1906. Une victoire qui sonne comme un accomplissement : Virginie Hériot, menue, le visage souvent sévère, avait déjà tenté, sans succès, de se qualifier pour les Jeux de 1924 à Paris, également en 8MJI.
Ce qui l'intéressait, c'était d'être la première. Et surtout, la première parmi les hommes. Anne Belaud-de Saulce
Un an après sa médaille, après quatre échecs depuis 1913, cette femme au physique menu, reprend à la Grande-Bretagne la Coupe de France, disputée en rade de Ryde, sur l'île de Wight, au Royaume-Uni. Les Britanniques la surnomment alors The greatest yachtwoman in the world ("La plus grande navigatrice de plaisance au monde").
Il faut dire qu'elle s'est entraînée sans relâche, son époux l’initiant aux techniques de la régate sur leur yacht de course Ailée, concurrent malheureux de la Coupe de France de 1912. Le couple se sépare en 1921. Virginie Hériot décide alors de consacrer son existence à la mer.
Elle navigue alors près de dix mois par an et court plus de 90 régates chaque année. Elle fait preuve d'un vrai engagement physique. Anne Belaud-de Saulce
"Elle veut alors une vie plus aventureuse, plus âpre", relate Anne Belaud-de Saulce, commissaire de l'exposition. Passionnée, elle décide de se consacrer à la mer et à la compétition. "Elle navigue alors près de dix mois par an et court plus de 90 régates chaque année. Elle fait preuve d'un vrai engagement physique", relate la commissaire et administratrice du musée de Port-Louis. Quand elle n'est pas en régates, elle réside la plupart du temps sur son luxueux yacht de croisière où elle donne des réceptions très courues.
Entre 1922 et 1932, elle va faire construire, toujours dans des chantiers français, pas moins de six 8MJI et cinq 6MJI. Les premiers sont des voiliers monocoques de 14 m de long pour 9,50 m/9,75 m à la ligne de flottaison, quand les seconds font environ 11 m pour 7 m. En trente-deux ans de navigation, Virginie Hériot aura parcouru 143 232 milles nautiques à bord de ses navires de croisière, soit l’équivalent de six fois et demi le tour de la Terre.
Virginie Hériot dispose de "moyens quasiment illimités", à la hauteur de ses ambitions. Née au Vésinet, en région parisienne, en 1890, elle est la richissime héritière de la grande bourgeoisie d'affaires, nièce d'Auguste Hériot, cofondateur des Grands Magasins du Louvre. Orpheline de père à 9 ans, elle plonge dans la mer dès l'enfance. A bord du yacht familial à vapeur, elle parcourt la Méditerranée et l'Europe du nord avec sa mère, enchaînant les rencontres de personnalités, dont Pierre Loti, écrivain voyageur et officier de la marine française, l’impératrice Eugénie, le kaiser Guillaume II de Prusse ou le prince Albert Ier de Monaco
Elle donne des conférences, beaucoup d'hommes politiques cherchent à l'approcher. Elle est reçue à l'étranger comme une personnalité d'Etat, elle est influente. Anne Belaud-de Saulce
Sa médaille aux JO marque une consécration. "Elle donne des conférences, beaucoup d'hommes politiques cherchent à l'approcher. Elle est reçue à l'étranger comme une personnalité d'Etat, elle est influente, note Anne Belaud-de Saulce. Elle devient un peu aussi une icône de la mode, travaille avec le musée Galliéra" à Paris. Mais pour la navigatrice, les tenues de yachting doivent d'abord assurer le confort et être aussi étanches que possible. A terre ou dans les appartements d'un yacht, elle prône "la jupe de serge plissée, blanche ou bleue, avec une veste de marine", selon la revue Art, goût et beauté en juillet 1930.
Art, Goût et Beauté. Revue, juillet 1930 – n°10
Virginie Hériot meurt brutalement, après s'être évanouie lors d'une régate en 1932, à 42 ans, peut-être des séquelles d'une chute antérieure survenue pendant une tempête. Selon ses volontés, tardivement respectées sur l'exigence de son fils unique, Hubert, né en 1913, elle sera finalement immergée au large de Brest en 1948.
Le cercueil de Virginie Hériot ramené à terre, 1932.
Dans l'abondante documentation qui fonde l'exposition du Musée national de la Marine, à Port-Louis, "je ne l'ai jamais vue entourée de femmes ou aider des femmes, constate Anne Belaud-de Saulce. Ce qui l'intéressait, c'était d'être la première. Et surtout, la première parmi les hommes".
Aujourd’hui, le nom de celle qui était élue membre d’honneur de plus de soixante yacht-clubs à travers l’Europe, reste associé aux succès éclatants des Jeux olympiques et de la Coupe de France. Plusieurs régates portent toujours son nom, dont la Classique Virginie Hériot, organisée au Havre. Les épreuves de voile des Jeux olympiques 2024 se tiennent à la marine de Marseille, dans le sud de la France, du 25 juillet au 4 août.
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