Viviane Sassen, photographe de l'ombre

A Paris, la photographe néerlandaise Viviane Sassen expose ses recherches autour de l'ombre. Ses compositions originales, parfois à la limite de l'abstraction lui ont apporté une reconnaissance internationale.
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Exposition "Umbra" de Viviane Sassen
Viviane Sassen
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Dans les beaux salons de l’Atelier Néerlandais à Paris, Viviane Sassen expose « Umbra », un travail sur « l’ombre » qui mélange nouvelles oeuvres et travaux plus anciens. Une sorte de rétrospective pour découvrir la palette de l’artiste, une photographe originale, presque en marge, même si la liste de ses expositions, dans des lieux prestigieux, témoigne d’une reconnaissance internationale.

Viviane Sassen : quelques dates

1972 : Naissance à Amsterdam ( Pays-Bas)
1978 : rentre aux Pays-Bas après avoir passé ses premières années au Kenya
1990-92 : Étudie la mode à Arnhem, premières expériences de mannequin
1997 : Master de photographie
2001: Première exposition personnelle
2007 : Prix de Rome
2011 : Exposition New Photography au MOMA- New-York
2013 : Expose aux Rencontre d'Arles ( France), représente les Pays-Bas à la Biennale de Venise
2014 : Expose à Londres, Francfort, Tokyo

« Ici, je voulais enquêter sur l’ombre, dans la photographie bien sûr, mais aussi les ombres personnelles et celles qui nous cernent dans le monde social », explique-t-elle.  « Mais c’est un sujet tellement large… je voyais des ombres partout. Ça m’a bloquée. J’ai beaucoup lu sur le sujet, mais je ne suis pas une artiste conceptuelle, cela devenait trop théorique. J’ai demandé alors à une amie poétesse d’écrire quelques poèmes, nous avons dialogué, je lui ai parlé de mes ombres personnelles. Cela a fonctionné comme une thérapie.»

Les œuvres différent beaucoup dans leur facture : portraits, paysages, vidéos, compositions à la limite de l’abstraction,… difficile de caractériser la « manière » de Viviane Sassen. Dans la vidéo «Hurtling», des mains qui émergent du noir traduisent en langue des signes un poème de Maria Barnas lu hors champ… Néanmoins  une « ombre » plane sur tout le travail de Viviane Sassen, celle de l’Afrique. La jeune femme est née à Amsterdam en 1972 mais a passé ses cinq premières années dans l’Ouest du Kenya où son père s’occupait d’un hôpital rural. Depuis elle raconte volontiers son traumatisme quand elle a dû regagner la froide cité nordique, l’impression de mener une vie parallèle alors que sa « vraie vie » continuait dans les vertes collines d’Afrique.

Umbra
Umbra
Viviane Sassen

Enfance africaine

« Ce que j’ai vécu là-bas est gravé comme un programme installé en moi, et quand j’ai rencontré mon futur mari en 2000, il était né en Zambie et avait vécu en Tanzanie…  Nous nous sommes trouvé ce passé commun et nous avons commencé à voyager beaucoup en Afrique. J’étais déjà photographe mais je ne savais pas vraiment quoi faire. Soudain, en Afrique, les choses prenaient forme, je pouvais développer un langage propre. C’était comme un déclic. C’est à ce moment que j’ai fait le livre Flamboya (2008) »

Pour autant, Viviane Sassen est très loin de la photo documentaire. Disons qu’elle avance sur une fine démarcation entre le figuratif et l’abstrait. L’Afrique est là, devinée plutôt que révélée dans des paysages ou des corps qui deviennent simples formes. Elle affirme travailler de manière intuitive, sans plans fixés d’avance. On pense au Surréalisme et en parfois au traitement des corps que faisait Man Ray, maître des ombres et lumières tranchées, aveuglantes.

Il y a une différence entre le regard masculin et le regard féminin, et en particulier sur le corps féminin

La photographe, elle, avance les noms de Nan Goldin, Greg Araki ou Larry Clark, la « snapchot generation », la photo prise sur l’instant.

Photographie de mode

Dazed
Le mannequin Lisanne de Jong par Viviane Sassen pour le magazine "Dazed and Confused" en 2011

Viviane Sassen a aussi imposé son nom dans la photographie de mode (qui n’est pas exposé ici, à Paris). Depuis le début des années 90, elle travaille pour des magazines pointus comme Dazed and Confused  ou I.D. Dans ces clichés, le corps du mannequin se tord dans des formes bizarres, s’efface sous les plis des vêtements ou dans l’ombre, déjà. « Pour moi, c’était une plateforme pour montrer mon travail. Être une femme photographe n’a jamais été vraiment une question pour moi, en tout cas au niveau conscient, mais je pense qu’il y a une différence entre le regard masculin et le regard féminin, et en particulier sur le corps féminin. Dans mon travail, j’espère que le corps des femmes est plus caché dans le sens où on ne peut pas vraiment le saisir, qu’il y a aussi de l’humour et pas seulement de l’érotisme, qu’il y a quelque chose à la fois exposé et voilé... »

Insaisissable donc, ce pourrait être la clé du travail de Viviane Sassen dont les images restent énigmatiques tout en donnant l'impression d'en dire beaucoup sur une photographe qui préfère rester dans l'ombre.

Exposition à l'Atelier Néerlandais, 121, rue de Lille à Paris, jusqu'au 1er novembre.
Le livre "Umbra" est publié chez Prestel

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36835
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Viviane Sassen dans son exposition parisienne
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