Fil d'Ariane
Elle portait le voile islamique depuis l'âge de neuf ans. A 28 ans aujourd'hui, elle a décidé de l'enlever pour dénoncer ce qu'elle considère comme une obligation imposée par le patriarcat. Violemment critiquée par les conservateurs, elle fait l'objet d'une enquête. La militante Maryam Lee est désormais l'une des femmes les plus controversées de Malaisie.
En Malaisie, ce pays d'Asie du Sud-Est où 60% de la population est musulmane, le voile local, appelé tudung, qui couvre la tête et le cou, n'est pas une obligation légale. Mais la plupart des femmes musulmanes le portent, à présent, alors que le pays a pris un tournant plus conservateur.
Maryam Lee dit avoir réalisé vers l'âge de 25 ans qu'en portant le voile, elle se conformait aux attentes de la société plutôt qu'à un dogme de l'islam. Elle a décidé de le retirer : "Toute ma vie, on m'a dit que (porter le voile) était obligatoire et que si je ne le portait pas, c'était un pêché. Et ensuite j'ai découvert que cela n'en était pas un, alors je me suis sentie trompée, explique-t-elle. C'est comme quand on nous a assure quelque chose toute notre vie et que cela se révèle un mensonge".
Je demande simplement aux femmes de remettre en question certaines certitudes et théories enseignées au fil des ans.
Maryam Lee
Après avoir raconté son histoire dans un livre intitulé Unveiling Choices ("Les choix dévoilés"), elle a été la cible de violentes attaques et de menaces de mort. Le ministre des Affaires religieuses malaisien a exprimé son inquiétude et elle fait l'objet d'une enquête de la part des autorités religieuses. Les autorités craignent qu'elle n'encourage d'autres femmes à se dévoiler, pense Maryam, mais elle assure que ce n'est pas le cas.
L'écrivaine malaisienne Maryam Lee refuse le hijab et écrit un livre sur son choix: elle encourt une peine de 3 ans de prison https://t.co/OMsTGnGpIN @GlobalVoicesFr #m pic.twitter.com/G3u8HpDExR
— Georg Samel (@GeorgSamel) November 19, 2019
"Je ne dis pas aux femmes quoi penser, mais je leur demande simplement de remettre en question certaines certitudes et théories enseignées au fil des ans, explique la jeune femme. Même sans poursuites légales, les femmes sont considérées comme des criminelles si elle veulent enlever (le voile)." Elles sont dans "la prison des attentes de la société". Les femmes malaisiennes de la génération précédente, elles, n'étaient pas soumises à cette exigence qui a généralisé le voile, soulignent ses partisans. Prise pour cible par les radicaux, la jeune femme est aussi citée en exemple par certains internautes qui veulent pouvoir exprimer leur choix individuel aussi bien que leur foi.
Unveiling: Malaysian activist, Maryam Lee, fights for hijab freedom https://t.co/NaqIu6b7sx pic.twitter.com/iJIQ0nFfO0
— Latest Naija News (@naijanewsfeeder) September 21, 2020
Le vêtement islamique des femmes varie beaucoup dans le monde, des écharpes qui couvrent à peine les cheveux, au niqab qui cache le bas du visage et à la burqa, en Afghanistan qui cache les femmes de la tête aux pieds. Dans les pays occidentaux, il est aussi l'objet de débats houleux entre les partisans du droit à l'expression religieuse et ceux qui défendent la laïcité ou les droits des femmes. Mais en Asie du Sud-Est, "quand les femmes veulent retirer le hidjab, qu'est-ce qui se passe ? On les intimide, on les agresse !", souligne Maryam.
L'ONG de défense des droits des femmes Sisters in Islam reconnaît que les femmes sans voile sont scrutées en public, par leur famille et collègues, ce qui peut rendre cette décision "difficile et traumatisante".
Je suis née musulmane, je suis toujours musulmane et je ne le suis pas moins si je retire mon voile.
Maryam Lee
Maryam souligne pour sa part qu'elle a abandonné le voile mais pas l'islam. "Je suis née musulmane, je suis toujours musulmane et je ne le suis pas moins si je retire mon voile", souligne-t-elle. Et elle n'est pas seule dans ce combat. Certaines femmes politiques ou l'ancienne gouverneure de la banque centrale malaisienne Zeti Akhtar Aziz ne se couvrent pas non plus les cheveux.
La gouverneure de la banque centrale de Malaisie, Zeti Akhtar Aziz, lors d'une conférence de presse à Kuala Lumpur, en 2015.
D'autres, comme Sarah, consultante d'une société financière qui utilise un nom d'emprunt, dit avoir aussi dû subir beaucoup de critiques après avoir abandonné le voile. "Les hommes malais (...) pensent que les femmes malaises doivent se présenter d'une certaine façon", admet-elle.
L'enquête sur Maryam Lee est toujours en cours, avec des poursuites encore possibles. Mais elle affirme n'avoir aucun regret à avoir partagé son expérience : "La société doit se réveiller !"