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Anne de France était fille de roi et régente d'un autre. Anne de Bretagne fut deux fois reine de France. Animées d'intérêts divergents, toutes deux ont marqué la grande Histoire. Au théâtre, Vous n'aurez pas la Bretagne met en scène la rivalité entre les deux Anne et les stratégies qu'elles déployèrent pour agir sur un pouvoir qui appartenait aux hommes.
Nathalie BERNAS est Anne de France ; Ilana WAYSBERG est Anne de Bretagne dans la pièce Vous n'aurez pas la Bretagne !
Au XVe siècle, le désir féminin ne pesait pas lourd face à l’ambition des hommes : les filles étaient mariées à douze ans pour nouer des alliances et leur principale fonction sociale consistait à enfanter. Anne de France et Anne de Bretagne se sont pourtant livré un duel acharné dans les coulisses du pouvoir, jouant leurs cartes avec une même détermination, avec pour enjeu le destin de la Bretagne.
Anne de France, fille de Louis XI, voulait soumettre la Bretagne ; Anne de Bretagne, héritière du duché, a lutté toute sa vie pour son indépendance. Vous n'aurez pas la Bretagne, au programme du théâtre de la Contrescarpe, à Paris, rejoue le bras de fer entre ces deux femmes politiques à l'aube de la Renaissance.
En 1483, à la mort de Louis XI, son fils Charles VIII n’a que 13 ans. C’est sa soeur Anne de France qui assure la régence en attendant qu’il soit en âge de régner. Telle était la volonté du roi qui appréciait l'intelligence de sa fille à sa juste valeur, puisqu'il disait d'elle qu'elle était "la moins folle des filles de France, car de sage il n'y en a point".
Louis d’Orléans, beau-frère et cousin d'Anne et de Charles, se dresse aussitôt contre la régence de celle qu'il traite de "Louis XI en jupons". Face à lui, entre autres, Anne de France n'aura de cesse de réaffirmer l'autorité royale, avec une influence sur le pouvoir qui s'étend bien au-delà de la majorité de l'héritier du trône.
Anne de France (1461-1522) et Anne de Bretagne (1477-1514).
Miniature représentant Anne de Bretagne recevant d'Antoine Dufour le manuscrit Les vies des femmes célèbres (1504). La reine avait chargé l'évêque de rédiger une apologie de la femme à travers les exemples les plus illustres et l’ecclésiastique a choisi 91 héroïnes depuis Ève jusqu’à Jeanne d’Arc.
Anne de France, elle, a laissé l'image d'une femme de lettres, mécène et enseignante avisée. Elle supervise l’éducation des enfants de l'aristocratie de l’époque, dont Diane de Poitiers et Louise de Savoie. Elle s’occupe également de l’éducation de Marguerite d’Autriche, qui deviendra gouvernante des Pays-Bas bourguignons.
Après la mort de son mari, Anne de France tient, à Moulins, une des cours les plus fastueuses de l'époque. A cette période, elle écrit Enseignements à ma fille, qui fut une source importante sur l’éducation des jeunes filles de l’aristocratie de l’époque. Elle conseille à sa fille, Susanne, de "s'entourer de gens frugaux et lui montre que la véritable noblesse vient de son humilité, de sa douceur et de sa courtoisie. Sans cela, les autres vertus ne valent rien".
Aucune des deux Anne n’aura eu satisfaction : Anne de Bretagne parce qu'elle est une rebelle qui a échoué à empêcher l’annexion de son duché à la Couronne de France ; Anne de France parce que même si sa cause l’a emporté, son désir était ailleurs et qu'elle échoue à trouver le bonheur.
A la fin de la pièce, à un Louis XII vieillissant, elle avoue : "C’est vous que je voulais ! C’est vous que j’ai toujours voulu ! Mais dans ce monde qu’importe le désir d’une femme, même fille de roi, hein ? J’ai passé mon enfance à m’occuper de mon frère, mon père m’a mariée à son ministre pour continuer à veiller sur lui. Un soir, j’ai reçu entre mes cuisses un homme dont je ne savais rien sinon qu’il avait trente-cinq ans et moi, douze !"
Au fil des années, leur intelligence politique et la frustration qu'elles partagent d'être femmes à la fin du Moyen Âge rapprochent Anne et Anne. Sur le lit de mort de la duchesse de Bretagne et reine de France, c'est sa belle-soeur qui la veille et tente de la réconforter. Les deux femmes partagent une dernière prière : "Notre Père, qui es aux cieux, que Ton nom soit sanctifié, que Ton règne vienne, que Ta volonté soit faite, sur la terre comme au ciel…"
Vous voyez, souffle la reine, même au ciel, c’est encore la volonté du père qui commande…
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