Willis from Tunis pose son regard sur l'actualité

Doit-on encore présenter la dessinatrice tunisienne Nadia Khiari ? Fortement impliquée dans la révolution de Jasmin en Tunisie (2011), cette collaboratrice de Siné mensuel croque avec talent l'actualité à travers le regard de son chat Willis From Tunis. La semaine dernière, elle a donné un coup de griffe aux violences faites aux femmes. En Iran, Égypte, Soudan, ou encore au Nigeria, les femmes ont été victimes ces derniers jours de lynchage, de viol et de pendaison. La dessinatrice décrypte son dessin pour TV5MONDE.
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Willis from Tunis pose son regard sur l'actualité
©Willis From Tunis (avec l'aimable autorisation de l'auteur)
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Pourquoi avez-vous réalisé ce dessin ?

La semaine dernière, une petite fille du nom d’Eya a été brûlée vive en Tunisie par son père. Elle est décédée 11 jours après. Une marche blanche est organisée ce jeudi 19 juin à midi pour rendre hommage à cette gamine, victime de cette atrocité. Son père a vu sa fille de 13 ans rentrer de l’école en compagnie d’un garçon. Pour sauver l’honneur de la famille, il l’a brûlée vive. Ce genre de pratiques barbares a choqué tout le monde ici, en Tunisie.

Au même moment, dans l’actualité, il y avait l’enlèvement des jeunes filles par Boko Haram, le lynchage médiatique en Iran (d’une femme qui a invité les Iraniennes à poster des photos d’elles sans leur hidjab, ndlr). Il y a pas mal d’atrocités partout dans le monde perpétrées contre les femmes. Et puis, il y a ces petites violences faites aux femmes par la dictature de la minceur par exemple (voir son dessin ci-dessus, ndlr).

Même les femmes ne nous épargnent pas ! Ce ne sont pas uniquement les hommes qui sont en cause dans les violences faites aux femmes, ce sont aussi les femmes qui perpétuent ça quelque part en participant aux traditions comme celle de l’excision. Elles sont aussi coupables ne serait-ce que dans l’éducation de leurs enfants, différente selon si c'est un garçon ou une fille.

Willis from Tunis pose son regard sur l'actualité
©Willis from Tunis
Ne parle-t-on pas des femmes qu’à travers ces horreurs ?

Il vaut mieux en parler parce que ce n’est pas normal. Nous sommes tous outrés quand il y a du racisme, de l’antisémitisme ou de l’homophobie. Mais quand il y a du machisme, on l’est moins. Quand j’ai lu qu’en France, on proposait du relooking aux femmes pour trouver du boulot, ça m’a vraiment choquée ! Je me suis dit : "donc on se fiche des diplômes et de l’expérience professionnelle". Pourquoi ne font-ils pas ça aux hommes alors ? J’ai trouvé cela choquant car on reste toujours dans l’apparence.

Le fait est que les salaires sont toujours inégaux à poste égal en France. Le combat est loin d’être gagné. Le machisme est omniprésent et ça choque moins. Les blagues sur les blondes, cela m’horripile, car ce sont avant tout des blagues sur les femmes. C’est uniquement une manière de faire passer les femmes pour des idiotes. Les hommes doivent combattre à nos côtés contre le machisme. 

En lisant tous ces actes violents à l’encontre des femmes, on a l’impression que c’est l’Histoire et les traditions qui se perpétuent encore et toujours …

Pourtant de plus en plus de femmes s’imposent et ne se laissent pas faire. En Tunisie, en tous cas, je suis entourée de femmes très fortes qui ne sont pas soumises du tout. Mais malheureusement, il y a cette violence.

Le gouvernement actuel tunisien a mis beaucoup de temps à ratifier la Convention internationale contre les violences faites aux femmes (Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, ndlr). Ils s’opposaient à cette convention. Même des femmes députées étaient contre. Comment peut-on cautionner les violences faites aux femmes ?

Le gros problème c’est qu’on a toujours le même argument : "c’est dans les habitudes, c’est la tradition, on a toujours fait comme ça". Mais à un moment donné, il faut dire non ! J’ai d’ailleurs sorti un film d’animation qui s’intitule "non" (voir le clip ci-dessous), la seule solution c’est de ne pas accepter.


Pendant le vote de la Constitution tunisienne, une proposition de loi stipulait que la femme devait être complémentaire de l’homme. Et puis, les femmes sont sorties dans la rues pour dire : "on n’accepte pas, nous sommes des individus à part entière".

Finalement, dans la Constitution tunisienne - et c’est une première dans le monde arabe- un article inscrit que l’homme et la femme sont égaux en droits et en devoirs. Et ça, c’est une victoire ! Dans la réalité, il y a encore du boulot. Mais ces luttes ne servent pas à rien même si ça fait des siècles que ça perdure. Si on ne lutte pas pour ces droits, on n’y arrivera pas. Ça avance mais il faut continuer à lutter pour garer ces acquis.
Willis from Tunis pose son regard sur l'actualité
©Willis from Tunis