Fil d'Ariane
The Women King s'adresse à "la petite fille que j'étais lorsque j'avais six ans... A la petite fille qui a été traumatisée, à celle à qui on a dit qu'elle était laide, à la petite fille qu'on ne voyait pas et qui a été insensibilisée", lance Viola Davis, à l'issue de la projection de son film au festival du film de Toronto, début septembre 2022.
"Viola je te vois", s'exclame l'héroïne charismatique de la série américaine Murder. "Je vois toutes les petites filles couleur chocolat comme toi".
.@violadavis calls her new film @WomanKingMovie her "magnum opus" and says it's a gift to her younger self.
— The View (@TheView) September 15, 2022
"[The] message in this movie, it's that, that tapping into our warrior spirits as women knowing that we can control our own narrative!" https://t.co/cVclFZQmjA pic.twitter.com/eUw2QfYkG4
[Le message de ce film, c'est ça, puiser dans nos esprits guerriers de femmes sachant que nous pouvons maîtriser notre propre histoire !"]
Au-delà de ce message féministe, ce film comporte aussi un autre enjeu. En tant que premier blockbuster jamais réalisé par une femme afroaméricaine, pas le droit à l'échec. Car pour l'actrice et réalisatrice, cela ne fait aucun doute : cette oeuvre sera jugée différemment des films avec des réalisateurs et acteurs blancs.
"Avant tout, le film doit rapporter de l'argent. Et je suis divisée vis-à-vis de cela... S'il ne rapporte pas d'argent, ça veut dire quoi ? Que des femmes noires, des femmes à la peau foncée, ne peuvent pas être en tête du box-office mondial ?", confie la star américaine.
"Après, ils auront des statistiques, disant que Woman King a fait ça, ça ou ça. Et c'est ce qui me pose problème, estime l'actrice. Parce que c'est tout simplement faux. On ne fait pas ça avec des films blancs. Quand un film échoue, vous en faites un autre, et encore un autre", ajoute-t-elle.
Seule Afro-américaine à avoir remporté un Oscar de la meilleure actrice, un Emmy et un Tony Award, Viola Davis a passé six ans à essayer de convaincre des studios et des producteurs réticents de miser sur le projet. Au final, le film au budget de 100 millions de dollars compte une réalisatrice afro-américaine, Gina Prince-Bythewood, et un casting majoritairement noir et féminin.
Viola Davis a appelé le public à démontrer qu'il est possible de réussir, même sans une franchise telle que Marvel. "Si vous pouvez dépenser votre argent pour voir Avatar ou Titanic, vous pouvez dépenser votre argent pour aller voir The Woman King", a affirmé l'actrice, oscarisée pour sa performance d'épouse bafouée dans Fence. "Et si nous sommes vraiment égaux, alors je vous mets au défi de le prouver."
Si ce film ne rapporte pas d'argent, "vous ne nous verrez plus du tout, regrette-t-elle. C'est la vérité. J'aimerais qu'elle soit différente."
The Woman King retrace l’extraordinaire histoire des Agojié, une unité de guerrières qui protégèrent le royaume de Dahomey - situé dans l'actuel Bénin - au XIXème siècle en Afrique de l’Ouest. Leurs aptitudes et leur fureur n’ont jamais trouvé d’égal. On y découvre le destin épique de la générale Nanisca, interprétée par Viola Davis, 57 ans, qui entraine une nouvelle génération de recrues et les prépare à la bataille contre un ennemi déterminé à détruire leur mode de vie.
A l'origine de ces troupes d'élite féminines : la reine Tasi, ou Nan Hangbe, qui régna à la suite de la mort de son frère, de 1708 à 1711. Elle-même prit la tête de l'armée, en se travestissant à l'image de son frère jumeau défunt, Akaba. Cette reine a depuis largement été effacée de l'histoire. Le roi qui lui succèdera conservera et développera ce corps de gardes féminins, baptisé alors Mino, qui signifie "nos mères", en langue fon. Au milieu du XIXe siècle, les Mino sont entre 4 000 et 6 000 et représentent environ le tiers de l'armée du Dahomey.
Cette armée féminine avait déjà inspiré les combattantes de Black Panther, film qui a généré 1,3 milliard de dollars de revenus dans le monde. L'opus numéro deux, qui sort en salles en novembre, devrait leur faire une place plus importante.
Face au succès des Amazones à l'étranger, le gouvernement béninois a décidé d'en faire la nouvelle identité visuelle du pays. Le 30 juillet 2022, veille de la fête de l'indépendance, le président Patrice Talon a inauguré en plein coeur de Cotonou une statue de bronze de plus de 30 mètres de haut représentant une de ces vaillantes guerrières.
"Cette statue sera à nos yeux, et à celles de nos visiteurs, le symbole de la femme béninoise, celle d'aujourd'hui et celle de demain", a déclaré le président lors de l'inauguration de cette oeuvre monumentale réalisée par le sculpteur chinois Li Xiangqun.
Les Amazones sont "une source d'inspiration au quotidien", assure Senami Totin, une militante pour les droits de la femme âgée de 28 ans, qui se réjouit de la nouvelle place donnée à cette figure dans son pays. "Dans une société patriarcale comme celle du Bénin, il faut beaucoup de courage et de détermination pour mener le combat pour l'émancipation de la femme", dit-elle, citant les viols impunis, les mariages forcés, l'éviction des femmes des héritages, mais aussi le manque de représentativité des femmes dans les instances de décision.
Le film a été bien reçu lors de sa première mondiale au festival du film de Toronto. Le magazine Variety salue une "démonstration convaincante de la puissance noire" avec Viola Davis dans son "rôle le plus féroce".
Un peu trop féroce au goût d'un certain public, qui ne s'est pas privé de critiquer les scènes de combat du fim. Des critiques que l'actrice juge misogynes : "Il y a même des gens, parmi la population noire, qui disent : 'Ah, c'est un film avec des femmes à la peau foncée, pourquoi sont-elles si masculines ? Pourquoi ne sont-elles pas plus jolies ? Pourquoi ça ne pourrait pas être une comédie romantique ?'"
Autre polémique, d'origine historique, cette fois : aux Etats-Unis, des appels au boycott du film ont été lancés. Certains mettent en cause le rôle des Amazones défendant un royaume qui a activement participé à la traite des esclaves.
Au Bénin, le film est perçu par d'autres comme une nouvelle "appropriation culturelle" de Hollywood, le long-métrage ayant été tourné en Afrique du Sud et les acteurs, dont quasiment aucun n'est béninois, imitant l'accent des Nigérians, les voisins anglophones.
So full with the reactions to #TheWomanKing. It was a joy making it and a joy giving it over to you, the audience. I promise that if you see it, you will be both entertained AND moved! pic.twitter.com/OIXTgwMIff
— Viola Davis (@violadavis) September 24, 2022
Projeté en avant-première à Cotonou, la capitale économique du Bénin, le film a pourtant reçu un accueil enthousiaste, en tout cas du côté du public féminin. "Mon sang s’est glacé à un moment. Pour la princesse que je suis, certaines séquences de ce film m'ont beaucoup touchée", affirme à la sortie de la salle Sylvine Sènami Ghezo, une descendante du roi Ghézo, souverain du royaume entre 1818 et 1858. Le film est une véritable claque pour Bahunde, jeune fille de 15 ans venue avec ses parents. "Nous, les femmes, nous sommes combatives, mais nous nous laissons trop souvent intimider et discriminer. Nous avons parfois peur de prendre la parole ou les premiers rôles alors que nous sommes capables de grandes choses", lâche la lycéenne.
Le film The Women King en avant-première à Cotonou, un reportage TV5monde ►
The moment I asked @violadavis to share her message to young Black girls that would accompany the gift she gave us through the film #thewomanking at the #tiff #tiff2022 @TIFF_NET première! You are worthy.
— Celina Caesar (like the salad)-Chavannes (sh-van) (@iamcelinacc) September 10, 2022
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Thank you Jenny Shin for this moment pic.twitter.com/2cOxL87UgU