Yaël Braun-Pivet, reconduite à la présidence de l'Assemblée nationale française

Elle est celle qui, d'un coup de marteau si nécessaire, coupera court aux prévisibles dérapages lors des débats qui s'annoncent houleux dans le nouvel Hémicycle. Yaël Braun-Pivet est réélue présidente de l’Assemblée nationale. En 2022, elle était la première femme à accéder au perchoir.

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Yael Braun-Pivet

Yael Braun-Pivet applaudit l'intervention du président ukrainien Volodymyr Zelenskyy le 7 juin 2024 à Paris.

AP Photo//Thomas Padilla
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Reconduite à la présidence de l'Assemblée nationale ce 18 juillet 2024, Yaël Braun-Pivet retrouve le perchoir onze jours après les législatives, au terme d'une journée "historique" et pleine de suspense, qui a vu affluer plus de 500 journalistes au Palais Bourbon. Yaël Braun-Pivet est passée au troisième tour avec 220 voix contre le candidat de la gauche André Chassaigne (PCF), 207 voix. Sébastien Chenu (RN) a quasiment fait le plein des suffrages de son camp avec 141 voix.

Face à une "Assemblée plus divisée que jamais", Yaël Braun-Pivet a souligné à la tribune la nécessité pour les députés de "rechercher des compromis", d'être "capables de dialoguer, de (s') écouter et d'avancer". "Cette élection m'oblige peut être plus que jamais, plus que celle de 2022", a-t-elle ajouté.

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Une femme au perchoir

"La séance est levée !" Des mots prononcés par une voix féminine au micro de l'illustre perchoir, et cela pour la toute première fois – c'était en 2022. De quoi redonner une légère tonalité de parité à l'Assemblée nationale, qui en avait bien besoin à l'issue des élections législatives de cette année-là, marquées par le premier recul du nombre de femmes élues depuis 1981.

Qu'il est long et sinueux le chemin vers l'égalité entre les hommes et les femmes.
Yaël Braun-Pivet, Présidente de l'Assemblée nationale

La candidate représentant la majorité présidentielle, élue pour la première fois au terme d'une séance de quatre heures, avait obtenu 242 voix au second tour face à ses concurrentes Fatiha Kelouha-Achi (de la Nupes, coalition de gauche), qui récoltait 144 voix, Annie Genevard, (ancienne vice-présidente, 60 voix) et Nathalie Bassire (Libertés, Indépendance, Outre-mer et Territoires, 16 voix). Le candidat du Rassemblement national Sébastien Chenu s'était retiré avant le second tour, annonçant l'abstention de l'ensemble du camp RN.

Lors de son premier discours, prononcé peu après l'annonce du résultat du vote, le 28 juin 2022, Yaël Braun-Pivet avait tenu à saluer les autres candidates à ce vote, des mots largement applaudis.

"Qu'il est long et sinueux le chemin vers l'égalité entre les hommes et les femmes", lançait-elle. La nouvelle Présidente avait cité un article du quotidien Le Peuple de juin 1889 : "'Une femme a sérieusement posé sa candidature à l'Assemblée nationale !' Cette femme s'appellait Jeanne De Roy, elle avait 44 ans et était journaliste, face aux moqueries, elle avait finalement renoncé et retiré sa candidature... Il aura fallu attendre octobre 1945 pour que 33 femmes fassent pour la première fois leur entrée au sein de cette assemblée !" "Nous naissons hommes et femmes libres et égaux en droits", avait rappelé la Présidente, avant de remercier son mari et ses enfants de leur soutien. 

Les femmes encore minoritaires à la tête des parlements

Au 1er janvier 2022, les femmes représentaient environ 22% des présidents de parlement, contre 20,9% il y a un an, d'après l'UIP. Aux Etats-Unis, Nancy Pelosi préside la Chambre des Représentants de 2007 à 2011 et depuis 2019, tandis que le Sénat est dirigé par la vice-présidente, Kamala Harris.
Du côté de l'Europe, nombre d'assemblées parlementaires sont dirigées par des femmes. En Belgique, les deux chambres sont présidées par Eliane Tilieux et Stéphanie D'Hose. L'Italie a placé Maria Elisabetta Alberti Casellati à la tête du Sénat. En Allemagne, Bärbel Bas préside le Bundestag, en Espagne Meritxell Batet est à la tête du Congrès des députés. Aux Pays-Bas, Vera Bergkamp dirige la Chambre des Représentants, tandis qu'en Autriche Christine Schwarz-Fuchs préside le Conseil fédéral.
En Russie, Valentina Matvienko, considérée comme proche du président Vladimir Poutine, préside le Conseil de la Fédération (équivalent au Sénat en France) depuis septembre 2011.

Une femme au perchoir, un symbole, une "compensation" ?

Depuis quarante ans, la part des femmes dans l'Hémicycle n'avait cessé d'augmenter, d'élection en élection. Jusqu'à 2022 : il n'y avait plus que 215 femmes (37,26%) pour 362 hommes (62,74%), alors qu'elles représentaient 38,8% de la représentation nationale en 20017 (224 femmes), un record historique. Sept ans plus tard, pour la première fois en cinquante ans, il y a en France moins de députées que de sénatrices. 

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"Moins de femmes élues à l'Assemblée Nationale en 2022 = régression. Une femme au perchoir = une obligation!!", tweetait l'association 2GapFrance, collectif de 61 réseaux professionnels féminins et mixtes engagés pour le partage de la décision. Une façon de rappeler que si la parité recule au sein de l'hémicycle, la nomination d'une femme présidente de l'Assemblée est une forme de "compensation".

Les résultats issus des législatives 2022 ►Assemblée nationale : avec 37%, le nombre de femmes députées régresse

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©LeMonde.fr/lesdecodeurs

Depuis 1958, il n’y a eu que des hommes à la tête de l’Assemblée nationale. Si l’on remonte plus loin dans l’histoire, aucune n’a jamais officié en tant que présidente de la chambre basse. Jusqu'à ce jour, elles ont du se contenter du fauteuil de vice-présidente, on en recense 23.

Le/la président-e de l’Assemblée nationale est chargé-e de la bonne tenue des débats parlementaires et de l’ordre du jour. Il lui échoit aussi "d’ouvrir l’Assemblée nationale aux citoyens et d’assurer son rayonnement dans le monde", lit-on sur le site officiel de l’Assemblée. Première femme au perchoir, Yaël Braun-Pivet est le quatrième personnage de l’Etat, derrière le Président, le Premier ministre, et le Président du Sénat.

Lors de sa première nomination, trois femmes se retrouvaient figures de proue du second mandat Macron : Elisabeth Borne, première Première ministre depuis Edith Cresson (1991), et Aurore Bergé, 35 ans, présidente des députés Renaissance. C'était la première fois sous la Ve République qu'une femme devenait patronne du groupe majoritaire à l'Assemblée.

De là à y voir un effet "montagne de verre", comme le relevait la députée sortante de la majorité Valérie Petit sur Twitter : "Ceux qui d'habitude ignorent leur talent se disent : 'On a tout essayé, faisons quelque chose qu'on n'aurait jamais imaginé, nommons une femme'. "

Quatrième personnage de l'Etat français

En 2022, après seulement un mois et cinq jours au ministère des Outre-Mer, elle a dû quitter le gouvernement, ce qui lui a valu l'ire de plusieurs élus de ces territoires, des territoires qui avaient largement voté en faveur du Rassemblement national lors des législatives.

Novice en politique il y a encore sept ans, Yaël Braun-Pivet est élue députée dans les Yvelines, en région parisienne, en 2017, puis réélue en 2022 et en 2024. Dans la foulée, elle est nommée à la tête de la Commission des Lois, l'une des huit commissions permanentes de l’Assemblée nationale. Après des débuts secoués par l'affaire Benalla, l'élue LREM se fait une place et devient peu à peu une figure incontournable du Palais Bourbon. "J'ai tenu la barre face aux crises, du terrorisme à la pandémie", sujets au coeur de sa mission au sein de sa commission, fait-elle valoir à l'époque.

Les femmes doivent réussir en politique sans imiter ou s'adapter à un modèle masculin.
Yaël Braun-Pivet, députée des Yvelines

Interrogée sur le sexisme en politique, voici ce qu'elle confiait en 2019 au magazine Elle : "Certains députés ont pu me dire 'Ne faites pas votre maîtresse d'école', ou 'Merci pour vos réflexions quasi maternelles', alors que je faisais un rappel au règlement dans le cadre de ma fonction. D'autres entrent dans mon bureau en me demandant si je suis fatiguée, si je m'en sors. Ces questions ne sont jamais posées aux hommes". 

"Il faut que les femmes soient partout, dans la haute administration mais aussi dans les mairies. Tout simplement parce qu'elles représentent plus de la moitié de la population. Elles doivent réussir en politique sans imiter ou s'adapter à un modèle masculin", ajoutait-elle. 

Une ascension express

Yaël Braun-Pivet a commencé sa carrière d’avocate en droit pénal au barreau de Paris, avant de rejoindre celui des Hauts-de-Seine. Cette native de Nancy met ensuite sa "vocation" entre parenthèses pour suivre son mari, cadre chez L'Oréal, sept ans à Taïwan et au Japon. Le couple a cinq enfants. De retour en France, elle s'investit aux Restos du Coeur, créant des consultations gratuites d'avocats où elle a vu "beaucoup de gens dans des situations très compliquées", et un centre d'accueil dans les Yvelines, animant "une équipe d'une centaine de bénévoles".

Son engagement politique remonte au début des années 2000 au côté du Parti socialiste. Après avoir "toujours voté socialiste", elle devient une "macroniste" fidèle, et présente son adhésion à En Marche comme un "prolongement... dans l'action sans rester sur des postures en phase avec la "vision" et le "pragmatisme" d'Emmanuel Macron, comme elle le précise elle-même.

A l'été 2018, c'est la douche froide : la commission d'enquête sur l'ex-collaborateur du président Alexandre Benalla, dont elle est corapporteure, se voit contrainte d'abandonner ses travaux après le retrait de l'opposition. Plusieurs députés l'accusent de "protéger" l'Élysée. Elle se retrouve alors la cible de menaces antisémites et d'injures sexistes sur les réseaux sociaux.

"Depuis plusieurs jours, à l'occasion des travaux conduits par l'Assemblée nationale sur l'affaire dite Benalla, je suis destinataire d'injures, de messages abjects à caractère sexiste et antisémite, ainsi que de menaces à mon encontre et à celle de ma famille", explique alors la députée qui décide de porter plainte. 

C'est pas mon truc d'être chiante et autoritaire.
Yaël Braun-Pivet

Si ses qualités humaines - "chaleureuse", "pas tordue" - sont saluées, elle se voit parfois reprocher d'être trop "sympa". "C'est pas mon truc d'être chiante et autoritaire", réplique Yaël Braun-Pivet.

Cette descendante de "l'immigration slave, juive polonaise et juive allemande, avec des grands-parents entrés en France avec des visas touristes" dans les années 1930, dit préférer les débats internes aux bras de fer publics. "Mon grand-père ne savait ni lire ni écrire. Il aimait la France plus que tout, je crois qu'aujourd'hui, là où il est, il doit être terriblement fier de sa petite-fille", confiait-elle sur France Inter au lendemain de sa nomination au fauteuil de ministre, fin mai 2022. 

L'IVG dans la Constitution ? 

Yaël Braun-Pivet s'est fortement engagée en faveur de la proposition de loi pour l'euthanasie. En revanche, elle avait rejeté, en 2018, l'inscription du droit à l'avortement dans le préambule de la Constitution "Il n'est nul besoin de brandir des peurs" en France, assurait-elle alors – c'était avant la remise en cause du droit à l'IVG aux Etats-Unis. Depuis, l'inscription dans la Constitution de la "liberté garantie des femmes de recourir à l'interruption volontaire de grossesse" dans le cadre de la loi est chose faite en France. 

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En 2020, la députée faisait part sur Twitter de son attachement à l'engagement de l'avocate féministe Gisèle Halimi, l'une des porte-voix du droit à l'IVG en France.