Depuis dimanche 31 juillet 2016, Tokyo est dirigée pour la première fois par une femme, Yuriko Koike. Féministe, mais aussi nationaliste, qui est la nouvelle gouverneure de la capitale nippone ?
Face au nombre record de 21 candidats, Yuriko Koike a remporté ce 31 juillet 2016 l'élection au poste de gouverneur de la ville de Tokyo avec 700 000 voix d'avance. Elle est la première femme à occuper ce poste, après la démission en juin dernier de Yoichi Masuzoe, pris dans un scandale financier.
"Je mènerai la politique de Tokyo d'une manière sans précédent, ce sera le Tokyo que vous n'avez jamais vu", a-t-elle déclaré après deux longues semaines de campagne.
"J'ai appelé à un Tokyo où chacun peut briller, des enfants aux personnes âgées et aux handicapés, afin que la vie de tous devienne meilleure", a encore promis la nouvelle gouverneure.
"Hillary (Clinton) dit qu'il y a un 'plafond de verre'. Au Japon, c'est plus souvent une tôle métallique"
Ancienne présentatrice à la télévision sur la chaîne privée TV Tokyo, notamment célèbre pour des interviews du leader palestinien défunt Yasser Arafat et du feu dictateur lybien Mouammar Kadhafi, Yuriko Koike est diplômée de sociologie de l'université du Caire. Et parle couramment anglais et arabe, compétences rares dans l'archipel.
Candidate indépendante "habituée" au sexisme
A 64 ans, Madame Koike est une politicienne expérimentée. Pilier du parti libéral-démocrate (PLD), parti conservateur au pouvoir qu'elle rejoint en 2002, elle devient ministre de l'Environnement de 2003 à 2006. C'est elle qui portera la célèbre mesure
"Cool biz", incitant les salariés à "faire tomber" la cravate et la veste au lieu de forcer sur la climatisation durant l'été. Yuriko Koike sera aussi la première femme à diriger le ministère de la Défense japonais en 2007.
Pour l'élection au poste de gouverneur, Yuriko Koike a cependant fait campagne "seule". Elle n'a pas été investie par son parti qui lui a reproché de se présenter sans obtenir de feu vert au préalable. Le PLD a d'ailleurs choisi d'instituer un autre candidat, Hiroya Masuda, ancien gouverneur du département d’Iwate et ancien ministre de la Gestion publique.
Et dans ce monde politique nippon très masculin, certains en ont profité pour jouer la provocation, à coup de remarques sexistes. A l'image de Shintaro Ishihara, ancien gouverneur de Tokyo entre 1999 et 2012, également issu du PLD, qui a déclaré refuser que la capitale revienne à
« une femme trop maquillée ».
« J’ai l’habitude » a
répondu Madame Koiké, entrée en politique en 1992, qui aime citer l'actuelle candidate à la présidence américaine Hillary Clinton au sujet du sexisme dans la société japonaise :
"Hillary dit qu'il y a un 'plafond de verre'. Au Japon, c'est plus souvent une tôle métallique", a-t-elle ironisé lors d'une émission télévisée.
« Je suis persuadée qu’une politique au profit des femmes bénéficiera à Tokyo et lui apportera du bonheur »
Féministe conservatrice
Celle qui a fait campagne sur le thème d’une
« grande réforme de Tokyo », est largement favorable à une plus grande implication des femmes en politique. Yuriko Koike a par exemple défendu
l'augmentation nécessaire de places en crèche dans la ville.
« Je suis persuadée qu’une politique au profit des femmes bénéficiera à Tokyo et lui apportera du bonheur », a-elle estimé
.Soucieuse des enjeux environnementaux, féministe, la nouvelle gouverneure est aussi très nationaliste. Yuriko Koike soutient par exemple la "Société pour la révision des manuels d'histoire" qui nie la responsabilité du Japon pendant la Seconde Guerre mondiale, explique
Le Monde.fr. Elle est par ailleurs proche de l’organisation ultranationaliste Nippon Kaigi, qui "
promeut les visites au controversé sanctuaire Yasukuni, censé abriter, entre autres, les âmes des criminels de guerre japonais", poursuit le journal.
"Des positionnements qui pourraient compliquer son action à l'international", conclut
Le Monde.
Du pain sur la planche
Élue pour quatre ans, Madame Koike aura un mandat bien chargé. À commencer par superviser les préparatifs des Jeux olympiques de 2020, dont le coût devrait doubler, voire tripler, par rapport au montant initial de 730 milliards de yens, soit 6,4 milliards d'euros, selon les médias japonais. "Je voudrais revoir les bases du budget, afin que les habitants de Tokyo voient clairement ce qu'ils vont devoir payer", a-t-elle annoncé.
La gouverneure devra aussi gérer une économie de la taille de l'Indonésie, et continuer à préparer l'agglomération de 13,6 millions d'habitants à un possible tremblement de terre majeur, sujet fondamental depuis le séisme et le tsunami de mars 2011.