À 24 ans, Zarifa Ghafari fut la plus jeune femme maire d'un village afghan. Elle a été victime de trois tentatives d'assassinats avant de devoir fuir son pays. Elle raconte son parcours dans Zarifa, le combat d'une femme dans un monde d'hommes (éditions JC Lattès). Un documentaire consacré à son combat sera prochainement visible sur la plate-forme Netflix.
Zarifa, un prénom de guerrière qui signifie "intelligence". Elle avait 3 ans quand les talibans ont interdit aux filles d'aller à l'école, 6 ans quand les frappes américaines ont commencé et 24 ans quand elle devient la première femme à être élue maire du village de Maydan Shahr, dans l'une des régions les plus conservatrices d'Afghanistan.
Zarifa Ghafari doit fuir l'Afghanistan en août 2021, peu après l'arrivée au pouvoir des Talibans suite à des menaces de mort. Aujourd'hui à 30 ans, elle vit en exil en Allemagne.
Menacée de mort, contrainte à l'exil
Dans un livre publié aux éditions JC Lattès,
Zarifa, le combat d'une femme dans un monde d'hommes, elle raconte son parcours de combattante pour défendre le droit des filles à l'éducation, dans un pays où les femmes voient leur espace de liberté se réduire au fil des jours, sous un régime taliban toujours plus radical vis à vis de sa population féminine. Elle revient aussi sur l'assassinat de son père :
"Le jour où j'ai perdu mon père, j'ai tout perdu. C'est lui qui me donne envie de ne jamais laisser tomber ", confie-t-elle sur
France Inter.
"Il faut savoir aussi qu'en Afghanistan il y a de très nombreuses femmes qui ont été exécutées. Mais personne ne parle de ça. Pourquoi ma vie a moins de prix que celle d'autres personnes ? ", s'insurge-t-elle.
Un documentaire
In her hands (Entre ses mains, trad), consacré à son combat et co-produit par Hillary Clinton, sera prochainement visible sur la plate-forme Netflix. Il a été présenté en avant-première lors du festival du film international de Toronto au Canada.
"Nous ne lâchons pas prise"
Zarifa Ghafari est venue témoigner sur le plateau de l'émission "L'invité-e" sur TV5monde, de Patrick Simonin.TV5monde : L'Afghanistan est aujourd'hui entre les mains des talibans. La liberté pour les femmes, vous y croyez encore ? Zarifa Ghafari : Quand il s'agit de la liberté pour les femmes en Afghanistan, moi j'ai pu aller à l'université comme je l'ai souhaité. Mais malheureusement aujourd'hui, les femmes sont abandonnées. Quand il s'agit de l'éducation, il y a des millions de filles qui ne peuvent plus aller à l'école, notamment secondaire, au lycée et au collège. Le système est brisé et moi je me sens brisée. Je ne suis pas vraiment fière de parler de cette situation qui de près ou de loin est liée à la liberté. Dans ce livre, il ne s'agit pas seulement de ma vie, mais de trois générations, de ma grand-mère, ma mère et moi. Ce documentaire veut donner le vrai visage de l'Afghanistan, et de parler d'amour pour notre pays. Nous, les femmes malgré le fait d'être des victimes dans tous ces conflits, nous ne lâchons pas prise !
Comment avez-vous réussi à remplir vos fonctions de maire dans l'une des provinces les plus conservatrices d'Afghanistan ?Il n'y avait que des hommes dans cette province. Les femmes étaient bloquées à la maison. Être la première femme maire c'était très difficile, mais il y avait aussi il y a longtemps sous le président Karzai d'autres femmes maires, je me disais si elles y sont arrivées pourquoi pas moi ?
Sans les femmes les changements ne peuvent pas avoir lieu.
Zafira Ghafari, sur TV5monde
Je sais que partout dans le monde, les changements importants ont lieu parce que certains prennent des risques. Ils sont emprisonnés, et vivent des moments difficiles, mais après on les admire. Pour moi, il s'agit toujours d'effectuer des changements pour le mieux. Par la racine et ça peut arriver partout. Sans les femmes les changements ne peuvent pas avoir lieu. C'était important de montrer que les femmes pouvaient le faire.
Aujourd'hui on assiste à un retour en arrière en Afghanistan ?Oui, totalement, on peut dire qu'on assiste à un retour en arrière. Mais c'est la même situation pour tous les défenseurs des droits de l'homme. Alors que l'ONU tient son assemblée et s'engage pour soutenir l'éducation des filles, il y a des millions de filles qui ne peuvent pas le faire. Ce n'est pas comme s'ils ne savaient pas. Cette sensation de me sentir brisée devient de plus en plus forte. Il ne faut pas laisser tomber.
Nous sommes seules, et nous nous battons seules.
Zafira Ghafari, sur TV5monde
Quand on voit que nous avons été trahies par le monde, il n'y a que par nous même que l'on peut s'en sortir. L'histoire montre que malgré toutes les difficultés, les femmes continuent le combat, c'est l'aspect magnifique de leur force. Quand les femmes manifestent au milieu des talibans à Kaboul, on s'attend quand même à du soutien de la part de la communauté internationale, et ce n'est pas venu. Nous sommes seules, et nous nous battons seules.
(Re)voir l'interview de Zarifa Ghafari dans L'Invité-e de Tv5monde ►